L'Essentiel sur... les jeunes et le cannabis

Jeunes et cannabis : informer sur les risques, protéger les plus jeunes. Le cannabis est une drogue largement répandue dans notre société : la France compte 900 000 usagers quotidien de cannabis (11-75 ans) et près de la moitié des adultes l’a déjà expérimenté. Pour la population générale, la France se situe ainsi toujours en tête du classement européen et à un niveau comparable à celui du Canada. En revanche, s'agissant des plus jeunes, la situation s'améliore significativement. Ainsi, en 2018, les adolescents français sont au 10ème rang des consommateurs (au cours du dernier mois) en Europe alors qu’en 2010, ils occupaient la « première » place. De même, les données recueillies auprès des collégiens en classe de 3ème confirment un recul marqué de la consommation de cannabis entre 2018 et 2020.

Les indicateurs d’usage du cannabis demeurent toutefois très élevés et se conjuguent à une banalisation du produit, confirmée par les enquêtes sur les représentations des jeunes. Tout se passe comme si les représentations négatives du tabac contribuaient à la normalisation du cannabis, qui semble bénéficier de ce discrédit.
Pourtant, l’adolescence est une période de vulnérabilité aux effets délétères du cannabis du fait du processus de maturation cérébrale. La précocité de l’expérimentation et la consommation régulière accroissent les risques de dépendance. De plus, l’usage de cannabis dans un temps marqué par les apprentissages impacte durablement les trajectoires éducatives et socio-professionnelles.

Dans ces circonstances, il est impératif de mieux informer les jeunes et les adultes qui les entourent et de constituer un environnement plus protecteur pour les adolescents. A ce titre, la politique nationale de lutte contre les drogues et les conduites addictives met l’accent sur le développement de programmes de prévention basés sur les compétences psycho-sociales comme outils permettant de retarder le plus possible l’âge des expérimentations, notamment de cannabis, et réduire le risque ultérieur de conduites addictives.

Niveaux de consommation de cannabis chez les jeunes

 

  • Baisse des expérimentations chez les élèves de 3ème de - 44% entre 2018 et 2021 répartie comme suit : 23,9% en 2010, 16,1% en 2018 et 9,1% en 2021.
  • La consommation au cours du mois des élèves de 3ème est passée de 11,1% en 2010 à 3,9% en 2021.
  • Le nombre d’adolescents ayant déjà expérimenté le cannabis à 17 ans a baissé de 11 points entre 2002 et 2017.
  • 39% des adolescents ont déjà fumé du cannabis à 17 ans.
  • La France est au 10ème rang en Europe en 2018 pour la consommation de cannabis des 15 ans au cours du dernier mois. Elle était au premier rang en 2014.

Sources : ESCAPAD 2017, OFDT ; Rapport annuel 2018, OEDT, Enquête EnCLASS 2021, OFDT

Focus sur... les adolescents et jeunes adultes

Pourquoi l’adolescence est-elle une période de vulnérabilité cérébrale accrue au cannabis ?

Jusqu’à environ 25 ans, le cerveau est dans une phase de maturation. Des recherches en imagerie ont montré que les adolescents sont dans un état unique de transition et de remodelage cérébral qui les rend plus vulnérables aux effets des substances psychoactives.

Les études montrent que la consommation de cannabis à l’adolescence entraîne des perturbations cognitives, physiologiques et comportementales d’autant plus délétères et persistantes que les consommations sont précoces (en particulier avant 15 ans) et régulières et qui peuvent persister à l’âge adulte (y compris après sevrage).

Ainsi, une telle consommation induit des troubles cognitifs, caractérisés par des troubles de l’attention, de la mémoire et des troubles de coordination. Les jeunes qui consomment régulièrement du cannabis ont souvent des résultats scolaires plus faibles.
L’usage de cannabis peut également précipiter la survenue de troubles psychiatriques (anxieux, dépressifs, syndromes psychotiques). Quand elle est régulière, la consommation de cannabis a des conséquences sanitaires à long terme comparables à celles du tabagisme, auquel elle est souvent associée, tels que : risques accrus de maladies neuro-cardiovasculaires, cancers.

Source : Dossier MILDECA « Jeunes, Addictions & Prévention », 2018 ; Résultats de la cohorte d’étude Tempo, Inserm, 2022 : consulter le communiqué de presse

Les Consultations jeunes consommateurs (CJC)

Présents dans la quasi-totalité des départements français, ces 540 lieux de consultations proposent un accueil gratuit qui peut être anonyme. Ils sont organisés par les Centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) y compris sous la forme de consultations avancées dans d’autres types de structures dont les Maisons des adolescents ou les Points accueil écoute jeunes.

Les jeunes peuvent s’y rendre seuls ou accompagnés de leurs parents ou d’un proche. Les parents peuvent également être reçus sans le jeune concerné.

L’objectif de ces consultations est d’accueillir des jeunes consommateurs en questionnement sur leur consommation, ainsi que leur entourage. Le principe est de faire le point, éventuellement de proposer une aide, avant que la consommation ne devienne problématique.

Toutes les questions concernant les conduites addictives peuvent être abordées dans ces lieux qu’elles soient en rapport avec l’alcool, le tabac, le cannabis, les autres substances psychoactives, les écrans ou les jeux vidéo.

Les priorités de l'action gouvernementale

Informer sur les risques et les dommages liés à la consommation de cannabis

Au regard de la banalisation du cannabis et de la méconnaissance des risques liés à sa consommation, il est essentiel de mieux informer la population française et conduire des actions de communication spécifiques à destination des jeunes et des parents. Les jeunes étant peu sensibles aux messages sur les risques sanitaires à long terme, l’information qui leur est apportée doit être adaptée. Des dispositifs de médiation scientifique, tels que les « Apprentis chercheurs » ou encore la plateforme maad-digital.fr premier média d’information scientifique validée conçue avec et pour les jeunes, permettent de les informer autrement des risques immédiats sur leur fonctionnement cérébral.

Retarder l’âge des expérimentations et éviter l’installation dans un usage régulier

  • En matière de prévention des conduites addictives, les programmes de développement des compétences psycho-sociales des enfants ont apporté la preuve de leur efficacité.
  • En visant notamment, le renforcement de l’estime de soi, la capacité à maîtriser ses émotions, la gestion du stress, la capacité de résistance et de négociation, la pensée critique, ces programmes permettent aux enfants de se prémunir de la pression des pairs, de mieux gérer stress et angoisse et de réduire leurs comportements à risque. Les parents et la communauté des adultes doivent y être étroitement associés.

Garantir des environnements favorables

Notamment en réduisant l’accès aux substances psychoactives, en faisant respecter les interdits de vente du tabac aux mineurs, en développant un climat d’attention et de bienveillance de la part des adultes autour des jeunes (familles, école, autres…), en mettant à disposition des adultes les informations probantes utiles pour leur rôle éducatif. Chez les parents, les compétences à développer sont celles d'une communication adaptée, celles en lien avec la capacité à fixer des limites et à gérer des conflits.

Favoriser le repérage précoce des consommations problématiques et l’orientation vers des structures de prise en charge adaptées

  • Les communautés éducatives doivent être mieux sensibilisées et formées pour savoir repérer précocement les premières consommations et les situations de mal-être des jeunes afin de pouvoir les orienter si nécessaire, vers des professionnels, notamment ceux des CJC.
  • Une attention particulière doit être portée aux personnes en plus grande situation de vulnérabilité sociale, scolaire ou professionnelle. En effet, les conduites addictives concernent de façon inégale les différents groupes sociaux. Si l’expérimentation du cannabis apparait plus fréquemment associée à des contextes d’intégration, son usage régulier est plus lié à des situations de vulnérabilité sociale. Aussi, des partenariats ciblés avec les structures chargées de l’accueil et de l’accompagnement des jeunes concernés doivent permettre de renforcer la capacité des intervenants (par exemple des missions de lutte contre le décrochage scolaire, des EPIDE, …) à offrir des environnements plus favorables, à intervenir précocement et le cas échéant à orienter de façon adaptée.

Limiter l’accessibilité du produit par le renforcement de la lutte contre les trafics

  • L’offre de produits illicites couvre tout le territoire et permet un accès aisé à une large gamme de drogues. Cette disponibilité entraîne également une banalisation du cannabis. En outre, le trafic génère une véritable économie parallèle et se traduit
    localement par l’emprise d’organisations criminelles sur des territoires entiers.
  • Face à cette réalité, la politique nationale de lutte contre les trafics est renforcée par une meilleure coordination à l’échelon national et local et par une augmentation des moyens d’enquête et d’intervention. En parallèle, des actions sont menées auprès des jeunes sur des territoires ciblés afin de prévenir leur entrée dans le trafic de stupéfiants ou les aider à en sortir.

ET AILLEURS…

Cannabis légalisé au Canada : où en est-on ?
Le Canada a légalisé la production, la distribution et la détention de cannabis à usage non médical en octobre 2018 avec desrestrictions dans certaines provinces (Québec) où l’achat n’est possible qu’à partir de 21 ans. Les adultes canadiens sont ainsi autorisés à acheter du cannabis produit sous licence, à en détenir jusqu’à 30 grammes et, dans la plupart des provinces, à cultiver jusqu’à quatre plants à domicile.
Le gouvernement a toutefois maintenu une interdiction pour les mineurs, en l’encadrant de nouvelles sanctions, et en investissant près de 550 millions de dollars canadiens dédiés au recrutement de 400 inspecteurs, au développement de la prévention, à l’éducation publique et à la sensibilisation, et à la formation des forces de l’ordre.
Les dernières données publiées par le gouvernement du Québec en octobre 2021 mettent en évidence la poursuite de la baisse des usages chez les adolescents (non concernés par l’accès légal au produit) mais une augmentation de la consommation chez les adultes, dès 18 ans, une acceptabilité sociale beaucoup plus forte et une moindre perception des risques.
Source : La légalisation du cannabis au Canada, Note 2018-04, OFDT, 2018 ; Rapport de mise en oeuvre 2018-2021 - Loi encadrant le cannabis, Ministère de la Santé et des Services sociaux (Québec), octobre 2021

Idées reçues

1. Le cannabis est une « drogue douce », ça n’est pas dangereux !

FAUX : même si d’autres substances psychoactives (alcool, tabac, cocaïne, héroïne, …) induisent des risques et dommages graves pour la société et l’individu, les effets nocifs d’une consommation régulière de cannabis, en particulier pour les jeunes, sont désormais bien établis. En outre, le cannabis mis sur le marché et fumé aujourd’hui par les jeunes est bien plus fortement dosé en THC que celui des générations précédentes. La résine de cannabis est ainsi en moyenne 4 fois plus concentrée en THC en 2018 qu’il y a 20 ans par exemple (INPS, 2018). Plusieurs études publiées début 2019 (The Lancet Psychiatry, Molecular Psychiatry) confirment une corrélation entre usage régulier de cannabis et cas de psychoses, d’autant plus élevée que la teneur en THC du produit est forte et que la consommation est précoce.

2. L’herbe de cannabis, c’est une plante, c’est naturel et bio

FAUX : interrogés sur leurs représentations(Enquête Aramis 2017, OFDT), les jeunes évoquent l’herbe de cannabis comme un produit « naturel », voire « bio ».
Pourtant, comme pour le tabac, fumer du cannabis produit des goudrons et des composants dangereux et favorise la survenue de cancers et tous les modes de consommation sont toxiques.
En plus des dommages sur la santé, les impacts sur l'environnement sont maintenant bien documentés (en particulier en Californie où depuis la légalisation, un mode de culture intensive a été mis en place). La production impose une grande quantité d’eau, d’électricité et de produits chimiques. L'aménagement des infrastructures puis la culture impactent la faune (destruction d'animaux considérés comme nuisibles pour la production, entrainant des désordres dans la chaine alimentaire) et la flore (érosion des sols, déforestation, pollution des nappes phréatiques, etc.).
A titre d'exemple, des études ont montré que 4,6 kg de gaz à effet de serre étaient rejetés pour 1 kg de produit fini. En comparaison, pour 1kg de produit fini, sont émis 6kg de CO2 pour la viande porcine et 4kg de CO2 pour le poulet.

3. Cannabis thérapeutique, CBD et joint c’est pareil !

FAUX : L’Agence nationale de sécurité du médicament conduit depuis juin 2021, une expérimentation de l’usage du cannabis à des fins médicales pour cinq indications thérapeutiques. L’inclusion et le suivi des 3000 patients de l’expérimentation est du ressort de structures de référence réparties sur tout le territoire. Les fournisseurs des préparations pharmaceutiques ont été retenus sur la base d’un cahier des charges. Ces préparations sont utilisées par absorption orale ou inhalation, la voie fumée étant exclue des modes d’administration. La vente de produits contenant du cannabidiol (CBD), autre cannabinoïde majoritairement présent dans la plante de chanvre, est autorisée sous certaines conditions. A ce jour, un seul médicament à base de CBD est disponible en France selon des modalités particulières transitoires (Epidyolex®).

4. De plus en plus de jeunes fument du cannabis et de plus en plus tôt. En plus, si on commence par du cannabis, on finit toujours par prendre des drogues plus dures

FAUX : si le cannabis est toujours répandu chez les adolescents, on observe cependant une baisse significative de l’usage : en 2017, 39% des adolescents de 17 ans ont déjà fumé au moins une fois du cannabis ; c’est la prévalence la plus basse enregistrée depuis 2002. Entre 2014 et 2018, la France est passée du 1er au 10ème rang en Europe en matière de consommation au cours du dernier mois par les adolescents de 15 ans (enquête HBSC 2018).

Par ailleurs, en ce qui concerne le cannabis, l’âge d’expérimentation est stable depuis la fin des années 90 : 15,3 ans (enquête ESCAPAD 2017, OFDT).

Enfin, parmi les usagers de cannabis à l’âge adulte (18-64 ans), 93,6 % n’ont jamais essayé d’autres drogues illicites.