LIMITS : une réponse collective pour protéger les mineurs de l’emprise du narcotrafic
En 2024, 61 % des condamnés pour infractions liées aux drogues sont âgés de 15 à 25 ans. Près de 10 000 mineurs sont impliqués dans des affaires de trafic de stupéfiants. L’âge moyen des « petites mains » employées par les réseaux criminels se situe autour de 15-16 ans avec un recours accru à de très jeunes mineurs, parfois âgés de 10 ans. Cette réalité préoccupante a conduit la MILDECA à s’engager dès 2020 dans la prévention de l’implication des mineurs dans les trafics de stupéfiants avec la mise en œuvre du dispositif LIMITS.
Dispositif LIMITS, de quoi parle-t-on ?
Pour de nombreux professionnels, l’essor des réseaux criminels qui orchestrent les trafics de stupéfiants et l’emprise qu’ils exercent sur de nombreux territoires en France n’a jamais été aussi important.
L’une des conséquences concerne les mineurs recrutés pour fournir une main d’œuvre devenue indispensable au fonctionnement de ces organisations.
Pour s’attaquer à ce phénomène, la MILDECA a décidé, dès 2020, d’initier une expérimentation dénommée LIMITS (Limiter l’Implication des MIneurs dans les Trafics de Stupéfiants), en coopération avec trois villes (Sarcelles, Loos et Lille), les services de l’Etat et de nombreux acteurs de ces territoires.
Ce projet, d’une durée de trois ans, visait à jeter les bases d’un dispositif de prévention, local et multi-partenarial pour :
- La mise en place d’un pilotage et d’une large mobilisation à l’échelle du territoire, permettant l’élaboration d’un diagnostic partagé devant servir d’appui à la mise en œuvre d’une stratégie adaptée aux besoins du territoire ;
- La création de stratégies d’action en direction des mineurs, en prévention primaire et secondaire (à l’attention de jeunes particulièrement vulnérables identifiés par les partenaires locaux), en s’appuyant sur le renforcement des compétences psychosociales, la lutte contre l’attractivité des réseaux criminels et le sentiment d’impunité, ainsi que sur l’ouverture des possibles et la promotion de la réussite ;
- Le déploiement d’actions à destination des parents pour renforcer leurs compétences parentales et accompagner ceux directement confrontés à l’implication de leurs enfants dans le trafic ;
- La mobilisation de l’ensemble des habitants des quartiers concernés afin d’occuper le terrain et de se réapproprier l’espace public.
6
millions d’euros sur crédits fonds de concours drogues
30
collectivités métropolitaines et ultramarines
En 2024 et en 2025, la MILDECA a consacré près de 6 millions d’euros (sur crédits fonds de concours drogues, provenant de la confiscation des avoirs criminels des trafiquants) pour déployer ces programmes d’actions dans 30 collectivités métropolitaines et ultramarines sélectionnées à l’occasion d’appels à projets dédiés. La MILDECA assure le suivi de la mise en œuvre de ces programmes, en lien avec les préfectures concernées, offrant son soutien méthodologique aux collectivités ainsi qu’à leurs partenaires (services de l’Etat, professionnels, associations) et assurant le repérage de nouvelles modalités d’action qui pourraient être utiles à tous les territoires.
A partir de fin 2025, trois préfectures – le Lot, le Nord et la Seine-Maritime – expérimenteront l’accompagnement en direct de trois nouvelles collectivités souhaitant déployer des projets LIMITS.
Une évaluation externe a été confiée au cabinet FORS afin d’analyser le déroulement et l’impact des actions engagées dans le cadre de LIMITS. Ses conclusions viendront enrichir le référentiel d’action élaboré par la MILDECA en 2024 (cf. infra), offrant ainsi un cadre d’intervention à toutes les collectivités qui souhaitent s’engager dans la démarche.
Le réseau des villes engagées dans le dispositif
En 2025, ce ne sont pas moins de 30 collectivités qui sont accompagnées par la MILDECA.
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- Drôme : Valence
- Isère : Grenoble
- Rhône : Rilieux-la-Pape, Vaux-en-Velin, Villeurbanne
- Savoie : Albertville
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- Côte-d’Or : Chenôve, Dijon
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- Côtes-d’Armor : Saint-Brieuc
- Finistère : Brest
- Ille-et-Vilaine : Rennes
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- Indre-et-Loire : Amboise
Loiret : Saint-Jean-de-Braye
- Indre-et-Loire : Amboise
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- Moselle : Metz
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- Communauté d'Agglomération du Centre Littoral Guyanais (CACL)
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- Nord : Maubeuge
- Oise : Communauté d’agglomération Creil Sud Oise
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- Essonne : Grigny
- Seine-et-Marne : Communauté d'Agglomération Melun-Val-de-Seine
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- Le Vauclin
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- Deux-Sèvres : Communauté de communes Haut-Val-de-Sèvre
- Gironde : Bordeaux, Le Bouscat, Talence
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- Hérault : Sète
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- Alpes-Maritimes : Grasse
- Bouches-du-Rhône : Aix-en-Provence
- Vaucluse : Communauté d'agglomération Lubéron-Monts-de-Vaucluse, Communauté d'agglomération Ventoux-Comtat-Venaissin/Carpentras
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- Loire-Atlantique : Nantes
Que faire pour prévenir l’implication des mineurs dans le trafic ?
Pour accompagner les villes la MILDECA a produit un référentiel dont l’objectif est de partager des repères, des bonnes pratiques mais aussi alerter sur les risques et les difficultés d’un tel projet. Avec quatre parties, enrichies de repères et d’exemples, le référentiel se veut être un outil pragmatique d’accompagnement d’une action de prévention devenue prioritaire pour de nombreux territoires
LIMITS dans ma commune : des acteurs témoignent
Stéphane GELDOLF, coordonnateur CLSPD à Loos entre 2020 et 2023.
« A Loos, le déploiement de l’expérimentation LIMITS a été une réelle opportunité pour la ville. C’était très valorisant d’avoir été sélectionné par la MILDECA. Au sein du CLSPD, c’était un champ nouveau qu’on osait enfin clairement aborder : la prévention des trafics.
Avant, on parlait de prévention de la délinquance ou de prévention des consommations mais s’affronter au recrutement des mineurs dans les réseaux, c’était une approche totalement inédite ; on pouvait enfin se dire qu’on pouvait faire quelque chose ; qu’un mineur attiré par les trafics, c’était pas foutu.
Avec LIMITS, on ne nous a pas laissé tout seul face au problème. On a eu un soutien financier mais aussi un accompagnement tout au long du projet. Mais on avait aussi une liberté d’action, d’inventer de nouvelles choses.
Au quotidien, c’était beaucoup d’investissement mais aussi la possibilité de faire venir de nouvelles associations sur le territoire, de nouer de nouveaux partenariats.
Après la fin de l’expérimentation, la dynamique était lancée et beaucoup de choses ont perduré. Avant, la Tour Flora Tristan était sous le contrôle des trafiquants. On a regagné le terrain et la situation est aujourd’hui stabilisée grâce notamment à l’installation d’une association (Paroles d’Habitants) au sein même de l’immeuble. »
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« Il s’agit de construire un véritable réseau de solidarité et de prévention qui permettra à chaque jeune de trouver des voies d’émancipation et de réussite, loin des mirages mensongers vendus par les réseaux de trafiquants », selon la maire de Nantes. (citation le Figaro)
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« Parce que dealer ce n’est pas un projet de vie, nous avons comme préoccupation de protéger les enfants et les jeunes pour ne pas qu’il tombe dans une spirale destructrice qui mène inévitablement à la violence.
Ce plan entre dans notre stratégie globale pour le quartier : présence policière sur le terrain, prévention et médiation, répression et démantèlement des points de deal.
Concrètement, il vise à :
- Créer un réseau avec les différents acteurs du quartier.
- Agir dès le plus jeune âge dans les écoles et collège du quartier, en impliquant les parents.
- Déconstruire l’image positive et séduisante des dealers par le biais d’interventions de professionnels.
- Occuper le terrain et proposer des alternatives. »
(citation post LinkedIn du Maire de Vaulx-en-Velin)
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« Depuis le Covid, le trafic de stupéfiants à Rennes comme malheureusement partout en France est plus présent. Il a aussi changé de visages (...) Face à cela, il n’existe pas de solution miracle. Nous n’avons ni les compétences juridiques ni les moyens régaliens de la police et de la justice pour enquêter, arrêter et juger les trafiquants. Mais nous pensons avoir aussi notre rôle à jouer. La prévention est un travail indispensable. » (citation actuRennes)
Et ailleurs ?
Exemples de dispositifs de prévention de l’implication des mineurs dans le trafic de stupéfiants à l’international
En lien avec le CIPDR, dans le cadre du réseau européen de prévention de la délinquance (EUCPN) et de l’EUDA (agence européenne anti-drogue), une collaboration a été initiée à l’échelle européenne, principalement avec les Pays-Bas, la Suède, l’Irlande ou la Belgique, pour penser des outils efficaces pour mieux prévenir l’entrée des jeunes dans les réseaux de criminalité organisée.
Des échanges avec le groupe EMPACT d’Europol ont également été initiés afin de répondre à l’une des 4 grandes priorités de la feuille de route de l’Union Européenne contre les trafics de drogue et les réseaux criminels.
Quelques exemples
Aux Pays-Bas, le programme « prévention avec autorité » (Preventie met Gezag) a vocation à « prévenir l’émergence d’une jeune génération de criminels » et se fonde sur « une approche multidisciplinaire pour répondre à la délinquance juvénile », en soutenant les communes néerlandaises les plus impactées par l’implication des jeunes dans les réseaux criminels, en lien notamment avec les trafics de stupéfiants.
Le programme vise notamment à renforcer les acteurs de la chaîne judiciaire au niveau local ainsi que la présence de policiers dans les quartiers. Les communes disposent d'une liberté assez large pour définir leur plan d'action sur trois ans : certaines ont investi plus particulièrement dans la lutte contre l'absentéisme scolaire et l'amélioration de la sécurité à l'école, d'autres ont mis en place des parcours d'accompagnement intensif des jeunes vers l'emploi, certaines ont renforcé la formation des enseignants et du personnel soignant à repérer les cas d'exploitation criminelle et la plupart ont déployé des animateurs, appelés « médiateurs de la jeunesse » (jeugboas) supplémentaires sur le terrain afin de repérer rapidement les situations à risque.
En Suède, la lutte contre le recrutement des mineurs dans les réseaux criminels est une priorité. Elle développe depuis plusieurs années une politique fondée sur une approche partenariale, incluant des actions de prévention et de répression. La police, la justice, l’école et de nombreux acteurs de terrain sont mobilisés dans plusieurs villes pour stopper l’engrenage de la violence (GVI, Group Violence intervention) et faciliter la sortie des jeunes de l’emprise des réseaux.
Discover LIMITS, a french project to prevent the involvement of minors in drug trafficking networks
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According to many professionals, the threat posed by criminal networks orchestrating drug trafficking has never been so important in France. A recent phenomenon of concern is the expansion of the recruitment of minors as a vulnerable workforce for the operations of these organizations.
To tackle this phenomenon, the French Interministerial mission for combatting drugs and addictive behaviours (MILDECA) conducted an experimentation between 2020 and 2023 called LIMITS (Limiter l’implication des mineurs dans les trafics de stupéfiants) , with three territories, in order to develop a local and multi-partner prevention system.
This experiment was followed by a team of researchers to monitor the deployment of the project and draw initial lessons.
Based on the actions carried out in the pilot territories and the evaluation work, the MILDECA has drawn up a reference framework, designed for local authorities and partners wishing to embark on a project to prevent the involvement of minors in criminal networks.
It aims to provide a few guidelines and disseminate best practices, highlighting pitfalls to avoid and promising paths to success for new projects.The guidelines are divided into 4 parts:
- Project organization and sharing of a diagnosis, essential for determining shared directions and action plans.
- Action strategies targeting minors
- Action strategies targeting families
- Actions that concern the environment in the broadest sense, and that can mobilize many citizens.
Each section includes a few points of reference and knowledge, as well as examples of actions. The solutions are essentially local, and rely on the knowledge, commitment and joint efforts of many professionals, which this project aims to reinforce.
In response to the concerns of many local elected officials, since January 2024, the MILDECA has launched 2 national calls for projects aimed at local authorities wishing to tackle this problem.
Since then, thirty localities, throughout France, have been selected to launch action plans based on the reference framework supported by the MILDECA. .In addition to providing methodological and financial support for local authorities involved in LIMITS, the MILDECA coordinates and leads the network, sharing best practices and developing new responses.
A new evaluation for a quantitative and qualitative assessment of the LIMITS project began in 2025.Almost 6 million euros, coming from criminal assets seized and confiscated from drug traffickers, have been allocated to this program.
We encourage countries to share any similar initiatives or field experiences implemented in their respective regions to prevent the involvement of minors in drug trafficking.