L'Essentiel sur... Le renforcement des compétences psychosociales : pour une prévention efficace à l’école

Malgré quelques améliorations observées ces dernières années, les consommations de tabac, d’alcool et de cannabis des adolescents français restent préoccupantes. L’adolescence est une période propice aux expérimentations précoces et aux premiers excès qui peuvent conduire à une consommation régulière à l’âge adulte puis, éventuellement, à une dépendance. Ces comportements sont favorisés par une mauvaise image de soi, l’influence des pairs, des environnements familiaux ou sociaux insuffisamment protecteurs ainsi que par les multiples sollicitations de la publicité.

Agir tôt et efficacement sur ces vulnérabilités et aider les jeunes à faire face aux conduites addictives, implique de leur permettre de se sentir mieux avec eux-mêmes, mieux avec les autres et avec leur environnement. C’est l’objectif principal des programmes de prévention fondés sur le renforcement des compétences psycho-sociales (CPS).
L’efficacité de ces programmes, qui protègent les jeunes contre l’ensemble des conduites à risques, est désormais validée scientifiquement. Il a en outre été prouvé que ces programmes protègent de la consommation ultérieure de substances psychoactives tout en exerçant un effet positif sur d’autres comportements : implication et réussite scolaires, estime de soi, bien-être mental et autres compétences sociales.
S’appuyant sur ces résultats, les pouvoirs publics accompagnent résolument le déploiement, dans tous les milieux de vie des enfants, de programmes coordonnés de renforcement des CPS ainsi que leur intégration aux projets éducatifs.

Données clés

Expérimentation de l’alcool, du tabac et du cannabis chez les élèves de 3ème entre 2014 et 2021

  • Alcool: 2014: 79,9%; 2021: 64,1%, tendance à la baisse
  • Tabac: 2014: 49,1%; 2021: 29,1%, tendance à la baisse
  • Cannabis: 2014: 23,9%; 2021: 9,1%, tendance à la baisse
  • 3,7% des élèves de 3ème fument tous les jours contre 12,3% en 2014.
  • 44% des jeunes en 6ème ont déjà expérimenté l’alcool.
  • En 3ème, 1 élève sur 5 a connu une alcoolisation ponctuelle importante.
  • 15,3 ans c'est l’âge moyen de l’expérimentation du cannabis.

Sources : Tendances n°132, OFDT, juin 2019 ; Tendances n°123, OFDT, février 2018 ; Tendances n°148, OFDT, décembre 2021

La prévention par le renforcement des CPS : une efficacité attestée

Les CPS sont un ensemble de ressources psychologiques et d’aptitudes sociales. Elles permettent de maintenir des comportements favorables à sa santé, de répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne dans les relations avec autrui, sa propre culture et son environnement (définition de l’OMS, 1993).

Les 9 compétences psychosociales générales

3 CPS cognitives :

  • Avoir confiance en soi
  • Capacité de maitrise de soi
  • Prendre des décisions constructives

3 CPS émotionnelles :

  • Avoir conscience de ses émotions et de son stress
  • Réguler ses émotions
  • Gérer son stress

3 CPS sociales :

  • Communiquer de façon constructive
  • Développer des relations constructives
  • Résoudre des difficultés

Comment se fait l’acquisition des CPS ? Deux exemples d’ateliers pour les plus jeunes

  • "J’écoute et je parle avec tout mon corps"

Chaque élève raconte une histoire à un camarade qui doit d’abord feindre l’indifférence, puis écouter avec attention. Les signes corporels de ces deux attitudes et les émotions suscitées sont alors développées par écrit. Les participants prennent ainsi conscience des codes de la communication non verbale et des effets négatifs provoqués par le manque d’attention aux autres. Ils peuvent ainsi développer leur empathie et leur capacité à interagir.

  • "Le jeu des qualités"

Les élèves exposent les qualités qu’ils perçoivent chez les camarades de leur groupe. Chacun note les qualités qui lui ont été reconnues, développe par écrit ses réactions et complète le portrait collectif par d’autres points forts qu’il souhaite faire valoir. Cet atelier contribue à prévenir la dévalorisation de soi, le repli sur soi et la dépendance aux jugements d’un groupe.

La stratégie nationale de déploiement des programmes de renforcement des CPS

Dans le cadre de la priorité donnée par le Gouvernement à l’investissement social dans l’enfance, les pouvoirs publics ont favorisé au cours des dernières années les interventions visant à renforcer les compétences psycho-sociales des enfants et des adolescents. Depuis le milieu des années 2010, des programmes de ce type, pour prévenir les conduites addictives, ont été expérimentés et évalués grâce à la mobilisation d’associations (Addictions France, Fédération Addiction, GRVS, des IREPS et la FNES…) et avec le soutien financier du Fonds national de lutte contre les addictions, de l’InCa et de la MILDECA. Les agences régionales de santé et les rectorats se sont appuyés sur ces travaux pour favoriser, au niveau de chaque région, le déploiement en milieu scolaire des interventions de renforcement des CPS. En parallèle, des actions du même ordre ont été initiées dans l’enseignement agricole et dans d’autres milieux de vie de l’enfant : activités péri-scolaires, activités de loisirs et sportives, établissements et services relevant de l’aide sociale à l’enfance ou de la protection judiciaire de la jeunesse. L’enjeu désormais est de dessiner une trajectoire qui permette d’aller à une généralisation, par l’intégration des apports des expérimentations et des multiples initiatives territoriales dans les pratiques pédagogiques et éducatives. C’est l’objectif de l’instruction inter-ministérielle adressée le 19 août 2022 à l’ensemble des préfets de région, directeurs d’ARS et des recteurs.

Les principaux programmes de prévention par les CPS

  • Tina et Toni et Primavera

Ces deux programmes jugés prometteurs sont destinés aux élèves des classes de l’école maternelle pour l’un, et aux élèves de l’enseignement primaire pour l’autre. Ils prennent la forme d’ateliers proposant des mises en situation et des jeux de rôles.

  • Good Behaviour Game (GBG)

GBG propose, aux élèves du premier degré, des activités régulières en groupes, centrées sur les attendus des programmes d’enseignement. Au cours de ces travaux collaboratifs, les élèves apprennent, sous la conduite de leur enseignant, à maîtriser leurs propos et leurs émotions, à interagir avec pondération, à organiser le travail collectif, à analyser leur contribution au travail d’équipe et le fonctionnement du groupe.

  • Unplugged

Destiné aux collégiens, le programme Unplugged prévoit neuf séances d’activités et trois séances consacrées à des informations sur les risques liés à la consommation d’alcool, de tabac et de cannabis. Informés également sur les niveaux réels de consommation des jeunes de leur âge et invités à analyser le fonctionnement des groupes de pairs, les élèves développent notamment une plus forte résistance aux influences de leur environnement.

Un référentiel pour faciliter le déploiement compétences psycho-sociales auprès des enfants et des jeunes

Conçu par Santé publique France*, le référentiel sur les compétences psycho-sociales publié en février 2022, destiné aux décideurs et aux acteurs de terrain, synthétise le bilan des connaissances scientifiques sur les CPS et fournit des repères pour l’action et la décision. Il présente un bilan détaillé des effets des programmes CPS évalués :

  • sur la santé : réduction des addictions, de la violence, des problèmes de santé mentale et de santé sexuelle, augmentation du bien-être.
  • sur la réussite éducative : amélioration du climat scolaire, des résultats scolaires, de l’insertion professionnelle.

S’appuyant sur les études d’efficacité et d’implantation, ce bilan identifie les facteurs-clés d’efficacité communs aux différents programmes, afin de faciliter le développement d’interventions de qualité. Ce premier cadre de référence théorique sera complété sur la période 2022-2024 par des guides et des supports pratiques opérationnels.

* Dossier CPS sur le site de Santé publique France https://www.santepubliquefrance.fr/competences-psychosociales-cps

Idées reçues

1. « Les élèves sont régulièrement informés des dangers à consommer des drogues, ça suffit amplement ! »

FAUX : L’information peut être utile, mais seule, elle n’est pas suffisante.
Etre informé sur les produits psychoactifs, en particulier alcool, tabac et cannabis ne suffit pas toujours pour faire face à la curiosité, à la pression du groupe ou à l’envie d’essayer pour compenser son mal-être. En outre, l’enfant et l’adolescent ne possèdent pas encore la capacité de se projeter dans l’avenir, rendant les messages sur les risques à long terme (cancers, maladies cardiovasculaires, etc.) liés à la consommation peu ou pas efficaces. Enfin, ce type de mise en garde sanitaire peut présenter l’inconvénient de faire découvrir aux plus jeunes les produits dont on veut les détourner.
C’est pourquoi les programmes de renforcement des CPS constituent le socle d’une prévention efficace. Pour les élèves du primaire il n’est pas utile d’aborder les risques particuliers liés aux produits. En revanche, pour les collégiens, des informations sur les produits et leur consommation peuvent corriger des représentations erronées. Par exemple, Unplugged prévoit d’informer sur le tabac, l’alcool et le cannabis, au cours de 3 des 12 séances du programme.

2. « Si les programmes de prévention par les CPS sont généralisés à l’Ecole, ça sera sans doute au détriment du programme scolaire… »

FAUX : Au cours des séances de prévention, les compétences renforcées vont agir positivement sur les relations entre les élèves et entre les élèves et les enseignants, créant ainsi un climat de travail apaisé et harmonieux qui va favoriser les apprentissages. Ces programmes, en renforçant l’estime de soi, vont également stimuler les élèves et les aider à obtenir de meilleurs résultats.
Alors oui, les programmes de prévention validés prennent du temps mais les compétences psycho-sociales sont bien au service de l’acquisition des fondamentaux de l’Ecole, et rejoignent les orientations officielles de l’Education nationale. Enfin, ces temps de prévention permettent de prévenir des consommations de produits psychoactifs qui peuvent avoir des effets négatifs sur le cerveau et la scolarité des jeunes.

3. « Ça ne sert à rien, les effets ne sont pas mesurables »

FAUX : Mettre en oeuvre des programmes de renforcement des compétences psycho-sociales dans l’ensemble des établissements scolaires français constitue un chantier de grande ampleur. Cependant, les dynamiques en cours sont très encourageantes. Ces programmes ont prouvé leur efficacité non seulement pour prévenir les comportements à risque (conduites addictives, comportements violents, etc.) mais aussi pour favoriser la santé et la qualité de vie des individus. C’est établi par des évaluations scientifiques rigoureuses.