L'Essentiel sur... Le renforcement des compétences psychosociales : pour une prévention efficace à l’école
Malgré les améliorations observées ces dernières années, les consommations de tabac, d’alcool et de cannabis des adolescents français restent préoccupantes compte tenu de l’impact de tels comportements sur des cerveaux en maturation. L’adolescence est une période propice aux expérimentations précoces et aux premiers excès qui peuvent conduire à une consommation régulière à l’âge adulte puis, éventuellement, à une dépendance. Ces comportements sont favorisés par une mauvaise image de soi, l’influence des pairs, des environnements familiaux ou sociaux insuffisamment protecteurs ainsi que par les multiples sollicitations de la publicité. Agir tôt et efficacement sur ces vulnérabilités et aider les jeunes à faire face aux conduites addictives, implique de leur permettre de se sentir mieux avec eux-mêmes, mieux avec les autres et avec leur environnement.
Parmi les actions de prévention, celles visant le renforcement des compétences psycho-sociales (CPS) ont fait la preuve de leur efficacité pour prévenir les consommations à risque de substances psychoactives.
Cette forme de prévention rompt avec les pratiques antérieures souvent limitées à des interventions ponctuelles et informatives dont l’efficacité n’a pas été démontrée pour prévenir les pratiques adolescentes.
L’efficacité de ces programmes, qui protègent les jeunes contre l’ensemble des conduites à risques, est désormais validée scientifiquement. Il a en outre été prouvé que ces programmes exercent également un effet positif sur l’implication et la réussite scolaires, l’estime de soi, le bien-être mental et d’autres compétences sociales comme le développement des capacités relationnelles.
S’appuyant sur ces résultats, les pouvoirs publics accompagnent résolument le déploiement, dans tous les milieux de vie des enfants, de programmes coordonnés de renforcement des CPS ainsi que leur intégration aux projets éducatifs.
Données clés
Les compétences psychosociales en bref
Selon la définition donnée par l’OMS (1993), les compétences psycho-sociales sont :
« Un ensemble de ressources psychologiques et d’aptitudes sociales. Elles permettent de maintenir des comportements favorables à sa santé, de répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne dans les relations avec autrui, sa propre culture et son environnement ».
Les priorités de l'action gouvernementale
Le développement des compétences psychosociales des jeunes s'est progressivement imposé comme une priorité dans plusieurs politiques publiques en lien avec la jeunesse.
En août 2022, une instruction interministérielle, qui porte l’ambition que la génération 2037 soit la première à grandir dans un environnement continu de soutien au développement des CPS, a été adressée à l’ensemble des préfets de région, des directeurs généraux d’ARS et des recteurs, afin de déterminer les objectifs et modalités de mise en œuvre de la stratégie nationale multisectorielle de développement des compétences psycho-sociales chez les enfants et les jeunes.
Cette impulsion déterminante se traduit progressivement en feuilles de route sectorielles, déclinées dans les territoires en interventions concrètes auprès des enfants.
L’enjeu est de dessiner une trajectoire qui permette d’aller à une généralisation, par l’intégration des apports des expérimentations et des multiples initiatives territoriales dans les pratiques pédagogiques et éducatives en milieu scolaire et dans les autres milieux de vie de l’enfant.
Le déploiement de ces compétences psychosociales s'organise le plus souvent autour de programmes, s’inscrivant dans la durée, respectant un certain nombre de critères permettant d'attester de leur effet positif sur les plus jeunes. Des évaluations ont ainsi permis de définir un certain nombre de programmes probants (Unplugged, Good Behavior Game) et prometteurs (PRODAS, Tina & Tony, etc.) de développement des compétences psychosociales chez les plus jeunes. Ces programmes sont le plus souvent connus de l'Education nationale et des ARS, qui accompagnent et financent depuis plusieurs années leur déploiement.
S’appuyant sur les éléments de la recherche, les études d’efficacité et d’implantation, Santé publique France a publié un référentiel identifiant les facteurs-clés d’efficacité communs aux différents programmes, afin de faciliter le développement d’interventions de qualité.
Parallèlement, l’Éducation nationale propose des « cours d'empathie dans les écoles maternelles et élémentaires » et intègre progressivement les CPS dans les enseignements au collège.
Des actions du même ordre ont été initiées dans l’enseignement agricole et dans d’autres milieux de vie de l’enfant : activités péri-scolaires, activités de loisirs et sportives, établissements et services relevant de l’aide sociale à l’enfance ou de la protection judiciaire de la jeunesse.
Les principaux programmes de prévention par les CPS
- Tina et Toni et Primavera
Ces deux programmes sont destinés aux élèves des classes de l’école maternelle pour l’un, et aux élèves de l’enseignement primaire pour l’autre. Ils prennent la forme d’ateliers proposant des mises en situation et des jeux de rôles. - Good Behaviour Game (GBG)
GBG propose, aux élèves du premier degré, des activités régulières en groupes, centrées sur les attendus des programmes d’enseignement. Au cours de ces travaux collaboratifs, les élèves apprennent, sous la conduite de leur enseignant, à maîtriser leurs propos et leurs émotions, à interagir avec pondération, à organiser le travail collectif, à analyser leur contribution au travail d’équipe et le fonctionnement du groupe. - Unplugged
Destiné aux collégiens, le programme Unplugged prévoit neuf séances d’activités et trois séances consacrées à des informations sur les risques liés à la consommation d’alcool, de tabac et de cannabis. Informés également sur les niveaux réels de consommation des jeunes de leur âge et invités à analyser le fonctionnement des groupes de pairs, les élèves développent notamment une plus forte résistance aux influences de leur environnement.
D’autres programmes « prometteurs » sont également en cours d’étude.
Le site SIRENA-CPS est un site ressource regroupant des informations concernant les programmes de développement des CPS mis en œuvre dans les territoires. Cette plateforme collaborative vise à accroitre les connaissances et les attitudes favorables concernant le développement des CPS auprès des professionnels et du grand public.
Idées reçues
1. « Les élèves sont régulièrement informés des dangers à consommer des drogues, ça suffit amplement ! »
FAUX : L’information peut être utile, mais seule, elle n’est pas suffisante.
Etre informé sur les produits psychoactifs, en particulier alcool, tabac et cannabis ne suffit pas toujours pour faire face à la curiosité, à la pression du groupe ou à l’envie d’essayer pour compenser son mal-être. En outre, l’enfant et l’adolescent ne possèdent pas encore la capacité de se projeter dans l’avenir, rendant les messages sur les risques à long terme (cancers, maladies cardiovasculaires, etc.) liés à la consommation peu ou pas efficaces. Enfin, ce type de mise en garde sanitaire peut présenter l’inconvénient de faire découvrir aux plus jeunes les produits dont on veut les détourner.
C’est pourquoi les programmes de renforcement des CPS constituent le socle d’une prévention efficace. Pour les élèves du primaire il n’est pas utile d’aborder les risques particuliers liés aux produits. En revanche, pour les collégiens, des informations sur les produits et leur consommation peuvent corriger des représentations erronées.
2. « Si les programmes de prévention par les CPS sont généralisés à l’Ecole, ça sera sans doute au détriment du programme scolaire… »
FAUX : Au cours des séances de prévention, les compétences renforcées vont agir positivement sur les relations entre les élèves et entre les élèves et les enseignants, créant ainsi un climat de travail apaisé et harmonieux qui va favoriser les apprentissages. Ces programmes, en renforçant l’estime de soi, vont également stimuler les élèves et les aider à obtenir de meilleurs résultats.
Alors oui, les programmes de prévention validés prennent du temps mais les compétences psycho-sociales sont bien au service de l’acquisition des fondamentaux de l’Ecole, et rejoignent les orientations officielles de l’Education nationale. Enfin, ces temps de prévention permettent de prévenir des consommations de produits psychoactifs qui peuvent avoir des effets négatifs sur le cerveau et la scolarité des jeunes.
3. « Ça ne sert à rien, les effets ne sont pas mesurables »
FAUX : Mettre en œuvre des programmes de renforcement des compétences psycho-sociales dans l’ensemble des établissements scolaires français constitue un chantier de grande ampleur. Cependant, les dynamiques en cours sont très encourageantes. Ces programmes ont prouvé leur efficacité non seulement pour prévenir les comportements à risque (conduites addictives, comportements violents, etc.) mais aussi pour favoriser la santé et la qualité de vie des individus. C’est établi par des évaluations scientifiques rigoureuses.