L’Essentiel sur… La réduction des risques et des dommages

La consommation de produits psychoactifs (alcool, tabac, drogues) comporte des risques sanitaires et peut provoquer des dommages sociaux.

La réduction des risques et des dommages (RDRD), sans nier le caractère illicite de certains usages, permet de considérer l’addiction comme une maladie chronique. Elle s’adresse également aux personnes non dépendantes dont les pratiques s’avèrent particulièrement dangereuses. Elle reconnaît que l’arrêt de la consommation n’est pas possible pour certaines personnes, à certains moments de leur trajectoire, et qu’il faut alors mobiliser des leviers pragmatiques et adaptés pour améliorer leur qualité de vie.

Initiée au moment de l’épidémie de VIH/SIDA, avec pour objectif premier de maintenir en vie les toxicomanes, la politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogues est inscrite dans la loi (article L3411-8 du code de la santé publique). Elle se fonde sur des résultats scientifiques solides et participe d’un ensemble de réponses visant à prévenir les consommations,accompagner et soigner les usagers et réduire les conséquences des usages de substances psycho-actives, pour l’individu comme pour la société.

La RDRD a permis de faire évoluer la perception de l’usager de drogues. Perçu comme irresponsable, dépendant et suicidaire, il s’est progressivement présenté, au-delà de ses vulnérabilités, comme un individu autonome, conservant une capacité de jugement, capable d’adopter des comportements de prévention et d’agir en faveur de sa propre santé.

Loin d’être une politique permissive, la réduction des risques et des dommages mobilise un ensemble d’interventions et de dispositifs publics et privés, encadrés précisément par la loi, dans l’objectif de venir en aide à des individus souvent fragiles et longtemps stigmatisés.

Chiffres clés

 

  • 342 000 « usagers problématiques de drogues* », 129 000 ont pratiqué l’injection intraveineuse au moins une fois dans l'année (2019).
  • En 2019, 92 500 personnes suivies dans 151 CAARUD en France. 8 personnes sur 10 sont des hommes. Les usagers sont marqués par la précarité, une forte morbidité psychiatrique et un usage de multiples substances. 21% n'ont aucun revenu et 48% ont un revenu social uniquement.
  • En 2019, on dénombre 503 décès par surdose.
  • En 2019, environ 177 000 personnes ont reçu un médicament de substitution aux opioïdes (MSO).

* Les « usagers problématiques de drogues » sont définis par l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies comme des usagers de drogues par voie intraveineuse ou usagers réguliers d’opioïdes, cocaïne ou amphétamines durant l’année passée parmi les 15-64 ans.

**Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD)

Source : Drogues et addictions, chiffres clés OFDT, 2022. Profils et prtiques des usagers reçus en CAARUD en 2019, Tendances n°142, OFDT, décembre 2020.

La réduction des risques et des dommages, une politique qui a fait ses preuves

  • Nés au début des années 1990 pour endiguer les contaminations au VIH/SIDA (1400 en 1995 contre 38 en 2016), les programmes d’échange de seringues (PES) ont évolué vers une offre plus large : offre de RDRD dans les CAARUD, par le biais d’automates ou en officine, et dispositif à distance pour dispenser des conseils par messagerie ou téléphone et envoyer du matériel par voie postale (https://rdr-a-distance.info). Une liste des matériels de prévention pour les services de RDRD existe pour les professionnels.
  • En milieux festifs, les consommations d’alcool et de drogues sont répandues. La présence d’équipes de RDRD vise à limiter les risques sanitaires (malaise, coma, surdoses, hyperthermie,...), psychologiques (crise de panique, état délirant…) et sociaux (nuisance publique, possession et/ou cession de produits illicites, violences…). De nombreux outils de RDRD sont mobilisés (conseils, mise à disposition de matériel, analyse de produits) ; il est aussi important de prévoir de l’eau fraîche gratuite et à volonté, des zones de repos ainsi que l’organisation des transports.
  • L’analyse de drogues, autorisée par la loi, permet de renseigner les pouvoirs publics et les usagers sur le contenu des produits. Accessible en CAARUD et en milieu festif, c’est aussi un moyen d’instaurer un dialogue plus général sur la RDRD.
  • Véritable antidote des opioïdes (drogues ou médicaments), la naloxone, administrée rapidement en cas de surdose permet de sauver la vie. Elle peut être utilisée aisément par des non-professionnels du soin. En avoir à proximité de soi est essentiel.En savoir plus sur www.naloxone.fr

Mieux faire connaitre la réduction des risques et des dommages pour lever les craintes

Le référentiel national des actions de réduction des risques précise que « les habitants des quartiers et les élus doivent être associés à ces activités en étant informés des principes qui les guident, de leurs modalités et de leurs résultats, afin de favoriser leur implantation et d’intégrer la réduction des nuisances et des tensions à leurs objectifs ».

En effet, la réduction des risques et des dommages est souvent méconnue du grand public. L’illégalité des produits stupéfiants, le regard porté sur les personnes usagères de drogues – ou alcoolodépendantes – les nuisances occasionnées par l’usage viennent parfois compliquer l’acceptabilité sociale et ainsi l’implantation ou le bon fonctionnement des dispositifs ou des interventions de réduction des risques. Pourtant, les évaluations disponibles montrent que la présence de services de réduction des risques et des dommages a des effets positifs sur la tranquillité publique. A cet égard, l’existence d’un partenariat effectif et efficace avec les forces de l’ordre contribue à la lisibilité et à la cohérence, au niveau local, des politiques de sécurité et de santé publiques.

RDRD : des drogues illicites à l’ensemble des conduites addictives

La RDRD a concerné en premier lieu les usages de substances illicites injectées, sniffées et inhalées/fumées (héroïne, cocaïne, crack...), pour réduire les infections par le VIH et les hépatites. Depuis les débuts de la RDRD dans les années 1990, les intervenants ont progressivement acquis des compétences, en lien étroit avec les usagers de substances illicites et leurs pairs, utilisant des techniques et des outils évalués. En 2017, la Haute Autorité de Santé a publié des recommandations de bonnes pratiques professionnelles dans les Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD), et les Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), établissements médico-sociaux pivots de cette politique, financés par l’assurance maladie, où les usagers sont accueillis de manière anonyme et gratuite et en 2023 dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS).

Désormais, l’expérience acquise dans le champ de la toxicomanie bénéficie à d’autres conduites addictives comme la consommation d’alcool. Ces démarches tiennent toutes compte du droit de la personne de bénéficier d’un accompagnement qu’elle soit ou non en demande de soins et pointent l’impact positif d’une libération de la parole autour des consommations, sur l’entrée en soin et la construction d’une alliance thérapeutique. Si la réduction des risques alcool ne se limite pas à la réduction de la consommation, il s’agit cependant de faire en sorte que la personne tende vers une consommation davantage maîtrisée et évite les situations les plus à risque, du point de vue de la santé comme de l’exclusion sociale ou professionnelle. Avec un accompagnement adapté, proposant des outils et des traitements (psychologiques ou médicamenteux) validés, il s’agit d’avancer pas à pas en misant sur le recouvrement d’une confiance en soi par des objectifs atteignables plutôt qu’en entretenant le faux-espoir d’un sevrage qui s’avère le plus souvent illusoire.

Ce concept est désormais mieux connu du plus grand nombre grâce à la diffusion des repères de consommation d’alcool à « moindres risques », élaborés par Santé Publique France.

 

Concernant le tabac, dans son dernier avis*, le Haut conseil de la santé publique considère que la cigarette électronique ne peut être présentée comme un outil de réduction des risques, sauf pour des personnes qui ont une faible acceptation des traitements de substitution nicotinique et à condition de ne plus consommer de tabac.

*Avis du HCSP du 26 novembre 2021 relatif aux bénéfices-risques de la cigarette électronique

Les haltes soins addictions - HSA

Anciennement dénommées salles de consommation à moindre risque (SCMR), les haltes soins addictions de Paris et Strasbourg sont des espaces de réduction des risques sous supervision de personnels de santé, où des usagers de drogues majeurs sont accueillis pour consommer dans des conditions d’hygiène adaptées, avec du matériel stérile. Des soins de base ainsi que des dépistages de pathologies infectieuses et autres peuvent y être pratiqués. Elles ont aussi pour mission de favoriser l'orientation des usagers vers des structures de soins somatiques et psychiatriques, et de traitement de la dépendance. Elles peuvent ainsi favoriser l’entrée dans un parcours de soins, voire de sevrage. Les HSA font ainsi partie intégrante de la palette des dispositifs sanitaires et médico-sociaux en addictologie. Elles s’adressent essentiellement aux usagers de drogues en situation de très forte précarité, qui ne fréquentent pas les dispositifs médico-sociaux spécialisés en addictologie et qui ont des pratiques d’usage de drogues dans l’espace public. Elles contribuent à limiter les nuisances pour les riverains et à renforcer la sécurité du voisinage.

En 2019, la HSA de Paris a accueilli 900 usagers et reçu 300 personnes chaque jour.

Les évaluations scientifiques internationales ont montré l’efficacité des espaces supervisés de réduction des risques ; l’évaluation indépendante des salles de Paris et Strasbourg commandée par la MILDECA à l’INSERM a confirmé l’intérêt de ces dispositifs :

  • L’accès à ces dispositifs permet d’améliorer la santé de ces personnes (baisse des infections au VIH et au virus de l’hépatite C, des complications cutanées dues aux injections et des overdoses), et de diminuer les passages aux urgences.
  • Des coûts médicaux importants sont ainsi évités.
  • Les injections et le nombre de seringues abandonnées dans l’espace public diminuent.
  • L’évaluation ne met pas en évidence de détérioration de la tranquillité publique liée à l’implantation des salles.

Idées reçues

1-  Mettre à disposition des seringues favorise l’injection de drogues

FAUX : La mise à disposition de matériel, quel qu’il soit, n’entraîne pas d’augmentation de la consommation, ni des usages les plus à risques. Au contraire, elle permet de réduire les complications les plus dangereuses de l’usage de drogues (surdose, contamination par VHC/VIH, etc.).

2- Mettre en place des salles de consommation attire des nouveaux consommateurs de drogues

FAUX  : L'installation d’une HSA (ex SCMR) permet surtout de venir en aide à des personnes, le plus souvent en grande exclusion, qui n'ont accès à aucun accompagnement.

3- L’implantation de salles de consommation augmente le niveau de deal et de délinquance dans le quartier.

FAUX  : Implanter une HSA, selon les critères définis dans le cahier des charges national, incluant un travail de médiation sociale et un partenariat effectif et efficace avec les forces de l’ordre, permet de réduire les incivilités et le nombre de déchets en lien avec l’usage de drogues dans l’espace public, sans augmentation des actes de délinquance.

4- Pour réduire les risques liés au tabagisme, on diminue le nombre de cigarettes et on vapote.

FAUX : Le risque de cancer lié au tabac n’est pas tant dû à la quantité de tabac fumé qu’au temps d’exposition au tabac au cours de la vie. Aussi, la réduction de la quantité quotidienne de tabac fumé ne réduit pas ce risque. Seul le vapotage exclusif (sans consommation de tabac), pour les personnes qui ont une faible acceptation des traitements de substitution nicotinique, permettrait de réduire lesrisques, sans que cette hypothèse n’ait été jusqu’à présent démontrée.

5- Faire goûter l’alcool aux enfants leur permet de consommer sans risque à l’âge adulte

FAUX  : Aucune étude scientifique ne permet de dire qu’une initiation précoce protègerait d’une consommation à risque à l’âge adulte. Au contraire, faire goûter de l’alcool à un enfant pourrait avoir pour effet d’augmenter la consommation de boissons alcoolisées à la fin de l’adolescence. S’il existe des repères de consommation pour les adultes, aucun repère n’est validé pour les jeunes chez lesquels toute consommation peut être nocive en raison de la vulnérabilité accrue du cerveau en développement.

6- Punir et obliger au sevrage les toxicomanes est généralement efficace pour lutter contre l’usage des drogues.

FAUX  : Lorsqu’une dépendance s’est installée, la réduction ou l’arrêt des consommations ne peut s’envisager qu’en établissant une alliance thérapeutique forte avec la personne, incontournable pour s’appuyer sur sa motivation. Prévenir une rechute de l’usage illicite des drogues n’est possible qu’en « faisant avec » les usagers, à partir d’objectifs définis avec eux.