L’Essentiel sur … Addictions en milieu professionnel

Beaucoup de Français font un usage quotidien de produits psychoactifs : tabac, alcool, cannabis. D’autres y ont recours occasionnellement. Certains sont directement affectés par les usages de tiers. Le milieu de travail n’est pas épargné par la consommation de drogues même si les enquêtes statistiques montrent que l’emploi constitue globalement un facteur protecteur par rapport aux addictions. Les demandeurs d’emploi ont en effet une consommation supérieure à celle des actifs occupés. Ce constat général cache une grande diversité de situations selon les métiers, les catégories professionnelles, l’âge et le sexe.

La tendance à la banalisation de la consommation de certaines substances psychoactives, les initiations précoces à l’adolescence, les polyconsommations, l’augmentation des usages chez les femmes etc. ont un impact dans toutes les entreprises et organisations privées ou publiques. Les jeunes comme les adultes recourent à l’usage de substances ou à des pratiques addictives (jeux vidéo, hyperconnexion, etc.) pour divers motifs liés à des facteurs personnels et environnementaux. La sphère professionnelle peut jouer un rôle déterminant dans le processus pouvant mener à une addiction, quelles que soient les pratiques, qu’elles se déroulent avant, pendant ou après le travail. Dans ce contexte, les managers ont une responsabilité importante dans la mise en place de conditions de travail favorables à la préservation de la santé.
L'alcool, le tabac et le cannabis ainsi que les médicaments psychotropes sont les produits psychoactifs les plus utilisés dans la population active. Ces consommations restent cependant souvent taboues au travail, ce qui peut aggraver la situation des employés qui auraient pu bénéficier de prévention ou d’accompagnement, afin d’éviter de basculer dans l’usage excessif, voire la dépendance.
La santé individuelle des salariés et la santé collective de l’entreprise sont en jeu, car les conduites addictives peuvent être à la fois un symptôme et une conséquence de dysfonctionnements dans l’organisation du travail ou le management.

Conduites addictives au travail : quelques chiffres *

Tableau sur les conduites addictives en milieu professionnel
  • 18-35 ans : tranche d’âge la plus concernée par la consommation d’alcool, de tabac et de cannabis.
  • Tous les métiers sont concernés, mais les métiers des arts et des spectacles, de l’hébergement/restauration, de l’agriculture, du transport, de la construction et les métiers en relation avec le public sont parmi les  plus exposés
  • 11 % des femmes cadres ont une consommation à risque d’alcool. Une prise de responsabilité augmente le risque de consommation d’alcool chez les femmes contrairement aux hommes
  • 37% des actifs utilisent les outils numériques professionnels hors temps de travail

ACTIFS OCCUPÉS

  • 18,6 % ont eu un épisode d’alcoolisation ponctuelle importante dans le mois.
  • 9,5% ont des ivresses répétées
  • 28 % fument quotidiennement
  • 9,6 % ont consommé du cannabis dans l’année

DEMANDEURS D'EMPLOI

  • 22,2% ont eu un épisode d’alcoolisation ponctuelle importante dans le mois.
  • 14,5% ont des ivresses répétées
  • 39,9 % fument quotidiennement
  • 16 % ont consommé du cannabis dans l’année

* Sources : Baromètre santé 2014, 2017 (Santé Publique France), (OFDT, 2017), Cohorte CONSTANCES, Etude ELEAS 2016

 

Une obligation de prévention collective

L’environnement de travail peut protéger ou au contraire fragiliser, face au risque d’addiction. Les entreprises et les administrations doivent veiller à rendre l’environnement professionnel plus protecteur par rapport aux conduites addictives.

1/3

des fumeurs réguliers

9%

des consommateurs d’alcool

13%

des consommateurs de cannabis

... déclarent avoir augmenté leurs consommations à cause de problèmes liés à leurs situations professionnelles au cours des 12 derniers mois.(Sources : Baromètre santé 2010 - INPES)

 

Les facteurs de risques liés au travail

  • Les risques psychosociaux, les conditions de travail pénibles et le stress au travail favorisent la consommation de substances psychoactives, pour « tenir » physiquement et psychiquement.
  • La recherche de la performance, l’obligation de répondre aux exigences de productivité et/ou un climat de compétition entre les salariés peuvent pousser certains professionnels à se « doper » ou à tomber dans une addiction au travail (le « workaholisme »). Celle-ci peut être renforcée par l’utilisation d’outils numériques qui brouillent les frontières entre temps privé et temps professionnel (le « blurring »).
  • L’accessibilité des substances (tabac, alcool et médicaments notamment) sur le lieu du travail incite à consommer et doit donc être prise en compte pour prévenir les risques collectifs pour la santé des salariés.
  • Certaines cultures d’entreprises favorisent les consommations d’alcool, organisées ou non par l’employeur pour « récompenser » les salariés (pots internes, signatures de contrats, etc.), de même des rituels d’intégration ou de socialisation entre collègues constituent des incitations à consommer (apéros entre collègues, afterworks, etc.).

 

L’entreprise : un acteur déterminant

  • Au regard de ces facteurs, les entreprises et les administrations - services RH et sociaux, représentants du personnel, services de santé au travail - sous la responsabilité des dirigeants, doivent privilégier, au-delà du règlement intérieur :
  • Une démarche de prévention collective destinée à agir, en amont sur les facteurs de risques liés au travail (prévention primaire) : analyse des conditions et de l’organisation du travail et des dysfonctionnements éventuels, formation de l’encadrement, des services de santé au travail et des représentants du personnel, sensibilisation et information de tous les salariés, etc.  
  • L’utilisation des méthodes validées et évaluées telles que le repérage précoce et l’intervention brève (RPIB) afin d’engager une démarche de prévention individuelle si nécessaire, repérer les consommations à risques et contribuer à  réaliser un diagnostic collectif de l’entreprise. Le RPIB ne peut être réalisé que par le médecin du travail/prévention.
  • L’accompagnement des salariés présentant des conduites addictives pour prévenir les inaptitudes et la désinsertion professionnelle.

 

Les priorités de l’action gouvernementale

Améliorer les connaissances et les compétences des acteurs du monde du travail dans le domaine des addictions

  • Intégrer la problématique des conduites addictives dans la responsabilité sociétale des entreprises ;
  • Inclure dans les cursus de formation initiale et continue des managers un module relatif à la prévention des conduites addictives avec ou sans produits, dans le cadre de la santé au travail ;
  • Consolider le rôle des acteurs de la santé au travail par la généralisation du repérage précoce et de l’intervention brève (RPIB) et leur implication dans la mise en place de démarches de prévention collective en lien avec les services RH ;
  • Mieux sensibiliser et former, les acteurs de l’entreprise : DRH, managers, représentants du personnel aux enjeux que représentent les conduites addictives ;
  • Organiser des journées nationales et régionales de prévention des conduites addictives en milieu professionnel et promouvoir le portail de référence dédié aux addictions dans le monde du travail, plateforme Addictaide.fr.

85 %

des dirigeants d’entreprises affirment être préoccupés par les questions de toxicomanies et leurs impacts au travail *

Source : Enquête BVA - MILDECA/SIG 2014, Note d'analyse OFDT, 2015

 

Addict’AIDE Pro : le portail des addictions en milieu professionnel
Conçu avec le soutien de la MILDECA, du ministère duTravail et de nombreux autres partenaires, le portail Pro de la plateforme Addict’AIDE issue du Fonds Addict’AIDE, est entièrement dédié à la prévention des addictions en milieu professionnel.
Que vous soyez dirigeant, chargé des ressources humaines, manager, salarié, représentant du personnel ou médecin du travail, vous êtes concerné par les addictions ! Comment gérer une situation de crise ? Comment inscrire les addictions dans une démarche de prévention ? Quel est le cadre juridique des addictions au travail ? Découvrez sur addictaide.fr/pro une sélection d’outils, de bonnes pratiques, de ressources et de témoignages pour prévenir les addictions.


Formation de formateurs « Prévention des conduites addictives en milieu professionnel »
Cette formation de formateurs gratuite, proposée par la MILDECA, le ministère du Travail et l’École des hautes études en santé publique (EHESP), s’adresse aux médecins du travail ou de prévention, aux infirmiers de santé au travail et aux collaborateurs médecins, en service autonome ou dans un service interentreprises, intervenant dans le secteur privé ou public.
Cette formation vise à acquérir les connaissances nécessaires pour développer un argumentaire sur l’intérêt de concevoir une démarche globale de prévention en milieu professionnel et à animer des séances de formation sur la prévention auprès de ses pairs.Pour rejoindre les plus de 150 professionnels déjà formés, rendez-vous sur formation-continue.ehesp.fr.

Mettre en place des mesures ciblées pour des secteurs ou des catégories professionnelles particulièrement exposés aux conduites addictives

  • Accompagner les secteurs d’activité les plus exposés aux consommations à risques, dans la mise en place de plans d’actions ;
  • Favoriser l’intégration de la prévention des conduites addictives dans les négociations de branche, notamment celles qui regroupent des PME/TPE.


Encourager les expériences permettant de lutter contre la désinsertion professionnelle en lien avec les conduites addictives

  • Valoriser des solutions permettant de concilier le maintien dans l’emploi et le traitement des personnes concernées par une addiction afin que la réponse de l’entreprise puisse ne pas se limiter à la sanction disciplinaire ou au licenciement.

ET AILLEURS…

En Belgique, la Convention Collective de Travail n°100 du 1er avril 2009 a créé une obligation de négocier dans toutes les entreprises privées et pour tous les secteurs d’activité. Depuis 2010, elles doivent donc mettre en place une politique préventive en matière d’alcool et de drogues en privilégiant la prévention primaire.
La politique préventive belge repose sur quatre piliers : l’information et la prévention auprès de l’encadrement et des travailleurs, la rédaction de règles pour le personnel, les procédures pour la prise en main des comportements problématiques, l’assistance avec garantie de confidentialité et respect de la vie privée.

Idées reçues

1. le tabac aide à réduire le stress ou les tensions au travail

FAUX : le tabac en soi est un facteur de stress. Sa consommation entraine une augmentation de la tension artérielle, un rétrécissement des artères et une accélération de la fréquence cardiaque.
Plus on fume, plus le manque ressenti est fort plus le stress augmente.

2. Consommer de l’alcool ou de la drogue est une affaire strictement privée

FAUX : les recherches en sciences humaines et sociales et en santé publique démontrent que les conduites addictives sont multifactorielles et augmentent significativement le risque de perte d’emploi à court et moyen termes. La prévalence des consommations évolue notamment en fonction du travail et des risques professionnels auxquels sont exposés les salariés.
Les dirigeants ont la responsabilité de définir les objectifs de la politique de préventiondans leur entreprise, y compris la prévention des usages de tabac, d’alcool et de drogues, afin d’assurer la santé et la sécurité au travail de leurs salariés. Pour cela, ils doivent garantir des processus de travail adaptés.

3. Un joint avant d’aller au boulot, ce n’est pas dangereux

FAUX : le risque routier chez les professionnels constitue la première cause d’accident mortel de travail (20%). Les stupéfiants (et dans 85 à 90% du temps, le cannabis) sont présents dans près d’un quart des accidents mortels de la route.
Un conducteur positif à la fois au cannabis et à l’alcool multiplie par 29 son risque d’être responsable d’un accident mortel. Les conséquences ne sont pas uniquement individuelles car l’entreprise est aussi impactée s’il s’agit d’un accident de trajet (entre le domicile et le lieu de travail).

4. Prendre une bière pendant ma pause ou du vin à la cantine, ça ne m’empêchera pas d’être efficace au travail après

FAUX : la bière et le vin sont des boissons alcoolisées et à ce titre, elles sont aussi dangereuses que d’autres types d’alcool ; de plus la bière est en général consommée en plus grande quantité. Un demi de bière (25 cl) équivaut à un verre de whisky ou de vodka à 40° (3 cl) soit une dose standard de 10 grammes d’alcool pur.
L’alcool a des effets sur les capacités cognitives et sur le comportement en situation de travail même lorsqu’il est consommé ponctuellement (diminution de l’acuité visuelle et auditive, de l’attention, de la concentration, du temps de réaction, etc.). Le risque d'être responsable d'un accident mortel est multiplié par 17,8 chez les conducteurs alcoolisés.