Le dispositif de soins en addictologie

Publié le 15/03/2023

Repérer, prendre en charge, orienter : des ressources pour les professionnels de premier recours

Les consommations de tabac, d’alcool, de cannabis ou d’autres drogues représentent un enjeu majeur de santé publique. Compte-tenu de leur prévalence et de celle des pathologies associées dans la population générale et donc, également dans votre patientèle, vous jouez un rôle majeur, en tant que professionnels de premier recours, dans le repérage, la prise en charge et la prévention des conduites addictives de vos patients.

Vos consultations représentent des opportunités essentielles pour aborder, au moins une fois par an avec eux, la question des conduites addictives (avec ou sans substance) et ce, quel que soit le motif initial de la consultation.

En tant que médecin généraliste, vous êtes légitime et perçu comme tel par vos patients, pour repérer, informer puis accompagner et/ou orienter ceux qui en ont besoin ou qui le souhaitent vers un changement de leurs comportements de consommation. Mais vous n’êtes pas seul. Lorsque la situation du patient s’avère complexe, les structures médico-sociales et hospitalières sont là pour prendre le relais.

Des outils existent, des partenaires et spécialistes exerçant dans votre département peuvent vous donner un avis diagnostique, accueillir un patient ou contribuer à sa prise en charge.

Quelle que soit la porte d’entrée choisie par le patient ou son médecin, le parcours proposé doit être adapté aux besoins de la personne, construit avec elle et l’ensemble des partenaires dont les compétences sont nécessaires.

L’objectif de ce document est de vous y aider, ainsi que tous les professionnels de santé de premier recours, en vous présentant les différents dispositifs de soins en addictologie susceptibles d’être mobilisés de façon adaptée à chaque situation.

Addictologie : des dispositifs variés pour une approche adaptée aux besoins des chaque patient

L’offre de soins en addictologie est aujourd’hui structurée au sein de différents dispositifs qu’il est important de connaître pour organiser les parcours de soins les plus adaptés.

Le secteur médico-social spécialisé en addictologie

Spécificités : pluridisciplinarité, accompagnement dans la durée, gratuité et possibilité d’anonymat.
Il est financé par l’Assurance maladie et géré soit par des associations, soit par des établissements publics de santé.

Les CSAPA (Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie) : Les coordonnées des 385 CSAPA sont accessibles notamment sur drogues-info-service.fr

Ils s’adressent aux personnes ayant une consommation à risque, un usage nocif ou présentant une addiction (avec ou sans substance) ainsi qu’à leur entourage.

Les équipes pluridisciplinaires (médecins, infirmiers, psychologues, professionnels socio-éducatifs) des CSAPA assurent des missions :

  • d’accueil, d’information et de prévention, d’évaluation médicale, psychologique et sociale et d’orientation pour le patient ou son entourage
  • de réduction des risques associés à la consommation de substances psychoactives
  • de prise en charge médicale, psychologique, sociale et éducative

La majorité des CSAPA accueille les usagers en ambulatoire. Certains proposent des services de soins résidentiels (Centres thérapeutiques résidentiels, Communautés thérapeutiques, etc.).

Les CJC (Consultations jeunes consommateurs) : Il existe 540 lieux de consultations répartis dans tous les départements, leurs coordonnées sont accessibles notamment sur drogues-info-service.fr

L’objectif de ces consultations est d’accueillir des jeunes consommateurs ainsi que leur entourage. Toutes les conduites addictives peuvent être abordées dans ces lieux qu’elles soient en rapport avec l’alcool, le cannabis, le tabac, les jeux vidéo ou Internet…

Les jeunes peuvent s’y rendre seuls ou accompagnés de leurs parents ou d’un proche. Les parents peuvent également être reçus sans le jeune concerné.

Ces consultations se déroulent principalement dans des CSAPA ou dans des centres hospitaliers mais aussi parfois dans d’autres lieux, en particulier ceux spécialisés dans l’accueil des jeunes. Elles proposent, une évaluation des consommations, des risques associés, un accompagnement pour prévenir une consommation problématique ainsi que des aides à l’arrêt ou à la réduction des consommations ou pratiques.

Les CAARUD (Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques chez les usagers de drogues) : Ces 146 centres s’adressent à des personnes qui ne veulent ou ne peuvent arrêter leurs consommations, et qui sont exposées à des risques sanitaires et sociaux (accidents, infections – notamment hépatite C et VIH, etc.) du fait de leurs modes de consommation ou des produits consommés. Une attention particulière est portée aux usagers les plus marginalisés. Les usagers peuvent y trouver du matériel de réduction des risques et un accompagnement pour favoriser l’accès aux soins.

Un secteur « libéral » très actif parfois inscrit dans un travail en réseau

  • Les médecins généralistes investis en addictologie, notamment ceux assurant le suivi de patients ayant un trouble de l’usage de substances psycho-actives. Ces praticiens travaillent en réseau avec les CSAPA, ELSA, services d’addictologie et peuvent apporter un soutien aux médecins généralistes moins expérimentés.
  • Les addictologues libéraux, encore relativement peu nombreux
  • Les psychiatres ou psychologues
  • Les pharmaciens, partenaires de proximité essentiels du parcours de soins d’un consommateur de produits psychoactifs
  • Les microstructures médicales en addictologie sont des équipes sanitaires pluri-professionnelles installées au sein du cabinet d’un médecin généraliste. Travailleurs sociaux et psychologues s’y rendent chaque semaine à des plages horaires déterminées pour y recevoir les patients ayant des problèmes d’addiction. Près d’une cinquantaine de microstructures organisées en réseaux sont actuellement déployées sur le territoire. Une expérimentation est en cours dans 4 régions pour en évaluer le modèle économique et organisationnel et permettre son déploiement sur tout le territoire.

Le secteur hospitalier

Spécificités : permanence des soins, accès au plateau technique, interdisciplinarité. Il relève d’un financement de droit commun.

Selon les territoires, les compétences addictologiques sont présentes dans différents types d’établissements et le patient peut y recourir spontanément ou dans le cadre de son parcours de soins.

  • Les consultations d’addictologie dont certaines spécialisées en tabacologie
  • Les équipes de liaison et de soin en addictologie (ELSA) : elles ont pour missions de sensibiliser et former les équipes hospitalières à l’addictologie, de les aider lors de la prise en charge des patients (contribution à l’évaluation, à la mise en place d’un projet de soins, aide à la prescription d’un traitement de substitution, préparation de la sortie, ...) et de favoriser le repérage précoce des conduites addictives et cela quel que soit le motif du recours à l’hôpital.

Les ELSA interviennent aux urgences, dans les maternités et dans l’ensemble des unités d’hospitalisation. Elles doivent favoriser les interfaces entre la ville, l’hôpital et les autres partenaires.

  • L’hospitalisation de jour en addictologie : elle permet l’évaluation pluridisciplinaire, l’élaboration de projets thérapeutiques individualisés, et la prise en charge addictologique adaptée, de prime intention ou au décours d’une hospitalisation, y compris en situation de crise pour des patients connus, dans un accompagnement qui favorise le lien environnemental et familial.
  • L’hospitalisation complète en addictologie : elle assure une prise en charge, en urgence ou programmée, pour un sevrage, une évaluation ou pour des complications et/ou des comorbidités somatiques/psychiatriques.
  • Les services médicaux de réadaptation (ex.SSR) en addictologie : ils peuvent accueillir, en relais d’une hospitalisation ou en accès direct, afin de réduire ou prévenir les conséquences fonctionnelles, physiques, cognitives, psychologiques et sociales pour les patients et de faciliter leur réadaptation.

Les conduites addictives en chiffres

  • 80% des jeunes de 17 ans et 64% des élèves de 3ème ont déjà expérimenté l'alcool en 2022
  • 23,6% des 18-75 ans dépassent les repères de consommation d'alcool à moindre risques en 2017, c'est-à-dire: "Pas plus de deux verres par jour et pas tous les jours"
  • 1 cancer sur 3 est causé par la consommation de tabac
  • 30% des jeunes de 17 ans ont expérimenté le cannabis en 2022
  • x3 entre 2010 et 2022, le taux de passage aux urgences pour usage de cocaïne a été multiplié par 3,09
  • 1 enfant sur 1000 nait avec un syndrome d'alcoolisation feotal
  • 177 000 personnes environ ont reçu un médicament pour leur dépendance aux opioïdes (MSO) en 2019

Sources : ESCAPAD 2022, OFDT; EnCLASS 2021, OFDT; Drogues et addictions, Chiffres clés 2022, OFDT; Baromètre Santé 2017, BEH, Santé Publique France; Santé publique France, à partir des données du réseau OSCOUR, février 2023

Focus sur les associations de patients

Les associations d’usagers et mouvements d’entraide proposent des modalités variées d’accompagnement aux usagers ainsi qu’à leurs proches. Ils peuvent proposer des ressources d’auto-support, de l’écoute sans jugement, du soutien même en dehors des heures ouvrées, des groupes de paroles spécifiques, des dynamiques citoyennes...
Basés sur l’expérience de leurs membres, leur connaissance de la maladie, des structures de soins, des réseaux d’addictologie, ces mouvements peuvent être une ressource complémentaire pour réduire les risques liés aux consommations ou prévenir les ruptures de parcours. Leurs membres sont souvent formés spécifiquement.

Par ailleurs, des démarches de patients experts et d’usagers santé pairs spécifiquement formés et intégrés à des unités de soins ou des services de santé se développent.

Outils et ressources

Des annuaires de structures et de professionnels géolocalisés dans chaque département à retrouver notamment sur drogues-info-service.fr

Des sites dédiés aux professionnels de premier recours comme par exemple :

  • intervenir-addictions.fr dédié aux professionnels de premier recours
  • Le Collège de la Médecine Générale met à disposition 8 fiches thématiques sur les addictions aux substances psychoactives proposant des informations et des outils pragmatiques et référencés, au plus près de la réalité de terrain et des connaissances médicales et scientifiques : lecmg.fr/addictionsmg
  • La plateforme addictaide.fr – Le village des addictions
  • Les sites publics d’information disposant d’un volet « Pros ») : alcool-info-service.fr, tabac-info-service.fr, drogues-info-service.fr, joueurs-info-service.fr
  • Le guide des nouvelles substances psychoactives, c’est-à-dire « les substances psychoactives nouvellement arrivées sur le marché, naturelles ou synthétiques ». S’adressant principalement aux services des urgences, ce guide présente un protocole accompagnant la prise en charge thérapeutique lors d’une suspicion d’intoxication à l’un de ces produits.
  • Des activités de télémédecine sont possibles selon les régions, permettant un travail conjoint avec le patient, associant médecins généralistes et professionnels des structures d’addictologie. Rapprochez-vous de votre ARS ou de l’URPS de votre région pour avoir plus d’informations.

intervenir-addictions.fr : Le portail des acteurs de santé

Ce site, élaboré par des professionnels des addictions, sous la coordination de la Fédération Addiction et avec le soutien de la MILDECA et de la DGS, vise à aider les professionnels de santé de premier recours à :

  • aborder les conduites addictives avec leurs patients,
  • repérer d’éventuels usages problématiques de substances psychoactives (tabac, alcool ou autres drogues) ou addictions sans substance (jeux notamment),
  • intervenir et/ou orienter les personnes qui en ont besoin.Outils, interviews de professionnels, solutions de formation, annuaires de structures ou de professionnels dans votre région, retrouvez toutes ces ressources gratuitement sur intervenir-addictions.fr

ATTENTION : il est indispensable de bien repérer les partenaires et spécialistes avec lesquels travailler : les structures peuvent être connues sous des noms différents de leur nom générique (par ex. ANPAA, Aurore, CEID, Clémence Isaure, La Passerelle, Oppelia, SOS, Spiritek,…).