Faire face aux conduites addictives des adolescents : décryptage de la stratégie d’intervention des consultations jeunes consommateurs
Publié le 11/07/2014 - Mis à jour le 06/07/2022
Le 26 juin 2014, à l’occasion de la journée internationale de lutte contre l’abus et le trafic illicite de drogues, la MILDECA a organisé une Rencontre sur le thème : "Jeunes usagers de drogues, parents, professionnels de santé : construire une relation pour sortir des addictions".
Lors de ce rendez-vous qui rassemblait, pour sa deuxième édition, plus de 80 invités d’horizons professionnels variés, le Docteur Olivier Phan, psychiatre, responsable de la Consultation Jeunes Consommateurs du Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie Pierre Nicole a décrypté la stratégie d’intervention des Consultations Jeunes Consommateurs (CJC). Le docteur Phan est l’un des trois auteurs d’un manuel à l’usage des professionnels des CJC sur le Processus d’accompagnement et d’alliance pour le changement thérapeutique (PAACT), travail de modélisation des pratiques professionnelles et de recherche, conduit par la Fédération Addiction et soutenu financièrement par la MILDECA.
En introduction, Danièle Jourdain Menninger, présidente de la MILDECA a rappelé que les CJC figurent parmi les priorités du plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives. Leur stratégie d’intervention a fait l’objet d’une recherche, conduite au niveau européen[1], dont les résultats attestent de la pertinence. Soulignant que les CJC ont cependant pour "principal écueil d’être encore trop peu connues des professionnels placés au contact des jeunes et plus encore du grand public", elle a insisté sur la nécessité de "créer un réflexe CJC parmi les professionnels de la jeunesse" et de "lever les a priori et craintes qui peuvent entraver la démarche" vers ces consultations. La présidente de la MILDECA a annoncé qu’à cet effet une campagne nationale d’information mise en œuvre par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) serait lancée en novembre avec pour objectif de mieux faire connaître ces consultations des jeunes et des parents tout en s’adressant aussi aux professionnels au contact des jeunes.
Olivier Phan a présenté le PAACT qui formalise, à partir des résultats de recherche, des thérapies intégratives, centrées sur l’adolescent avec soutien à la parentalité. Le travail, comprend trois phases : la création de l’alliance thérapeutique avec une première évaluation de l’usage, l’accompagnement aux changements des comportements d’usage pour le mieux- être, le bilan de fin de thérapie et l’ouverture vers d’autres approches si nécessaire.
Pour le psychiatre, "l’alliance avec l’adolescent est essentielle", l’objectif étant "de créer un cadre sécurisant, d’aider l’adolescent à gérer ses angoisses » ce qui nécessite « d’acter les divergences" entre le jeune et ses parents, mais aussi le jeune et le thérapeute et "d’écouter sans juger". Pour le professionnel, la priorité n’est pas d’arrêter la consommation des substances mais d’atteindre un mieux-être (relations avec les parents, vie scolaire, etc.). On s’appuie sur l’envie, le plaisir avant d’évoquer les difficultés rencontrées car si on focalise sur les effets néfastes du produit on ne construit pas d’alliance avec le jeune.
L’étape suivante vise à lutter contre la "position basse" qu’adopte souvent l’adolescent, le manque de confiance en lui, et de valoriser ses compétences pour dynamiser le changement. Dans un premier temps, ce sont les changements les plus faciles que l’on essaie de mettre en place car selon la "théorie des dominos", les petits changements pourront entraîner des changements plus fondamentaux. Il est important de créer également l’alliance avec les parents en écoutant leurs demandes et leurs craintes et en levant leur culpabilité, afin que, rassurées par le thérapeute, leurs attitudes "ne détruisent pas le travail" engagé avec leur enfant. Le manuel aborde la question délicate du secret professionnel et de l’échange d’informations avec les parents. Le docteur Phan témoigne de son expérience et recommande de clarifier la question du secret professionnel dès le début du suivi, en expliquant au jeune que le secret est la norme mais qu’il peut être rompu vis-à-vis des parents en cas de mise en danger grave (risque de suicide, prostitution par exemple).
Le processus se poursuit par un bilan des consommations et des problématiques, l’objectif étant d’éviter la rechute.
Dans les situations les plus sévères la thérapie familiale multidimensionnelle (MDFT), dont la recherche déjà citée a fait la preuve de sa plus grande efficacité, est recommandée.
Durant ces trois phases, le jeune rencontre le thérapeute une fois par semaine, les parents sont vus deux ou trois fois seuls et une fois avec l’adolescent lors du bilan.
En plus de la question des consommations de cannabis, le manuel PAACT aborde celle des alcoolisations ponctuelles importantes (API) des jeunes (notamment le "binge drinking") et les polyconsommations.
[1] : International Cannabis Need of Treatment Project (http://www.incant.eu/)