Alcool et sport : la MILDECA alerte sur les risques d’un nouvel assouplissement de la loi Evin

Publié le 05/12/2018 - Mis à jour le 11/03/2022

Madame Perrine GOULET, députée de la Nièvre, a remis le 30 novembre 2018 au Premier ministre un rapport sur le financement des pratiques sportives en France. Pour donner au mouvement sportif la capacité de mobiliser davantage de ressources privées, le rapport préconise notamment d’examiner la possibilité d’un assouplissement de la loi Evin, en particulier des dispositions suivantes :

  • la limitation de vendre de l’alcool pour un club à dix dates par an ;
  • l’interdiction générale de la publicité pour l’alcool à la télévision ;
  • l’interdiction du parrainage des clubs sportifs par les alcooliers.

La MILDECA rappelle que l’interdiction de la consommation d’alcool dans les stades était l’une des mesures fondatrices de la loi Evin. Elle visait justement à empêcher l’association symbolique de l’alcool et de son image aux valeurs positives du sport.

La MILDECA est donc fermement opposée à l’assouplissement de cet encadrement législatif essentiel, destiné à prévenir les consommations à risque d’alcool et à protéger la jeunesse.

L’alcool est responsable chaque année de près de 49 000 décès. Il est présent dans 30% des condamnations pour violences, 40% des violences familiales, 30% des viols et agressions, un tiers des accidents mortels de la route. Un français sur 5 se dit très affecté par les dommages liés à l’alcoolisation de tiers. Les collectivités locales, tant en milieu urbain que rural, sont très préoccupées par les débordements de la vie festive.

La lutte contre les consommations à risque d’alcool est une priorité de l’action publique, non seulement d’un point de vue de santé publique, mais aussi d’ordre et de tranquillité publiques, pour favoriser un « mieux vivre ensemble » au sein de la société française.

Au sein de cette action publique globale, la réduction des incitations à consommer, en particulier en direction des adolescents et des jeunes adultes, joue un rôle déterminant. La littérature scientifique rapporte de nombreuses preuves quant au lien entre exposition à la publicité et consommations à risque d’alcool, en particulier chez les jeunes (voir expertise collective Inserm sur les conduites addictives des adolescents).

Alors que les niveaux de consommation des adolescents et des jeunes adultes restent très préoccupants en France (à 17 ans, 44% ont déclaré une alcoolisation ponctuelle importante dans le mois), les études mettent en évidence que les jeunes, en raison de leurs pratiques sociales (internet, réseaux sociaux, cinéma, pratiques sportives et de loisirs) sont plus sensibles que la population générale à l’influence des stratégies publicitaires. Celles-ci peuvent être directes ou indirectes, c’est-à-dire valorisant l’image positive / festive de tel ou tel comportement ou produit (sponsoring, placement de produits, organisation de « concours »…).

Pour cette raison, les industriels investissent massivement dans ces stratégies publicitaires, soit des sommes de l’ordre de 450 millions d’euros par an. L’analyse des stratégies marketing met clairement en évidence la manière dont les jeunes sont ciblés, en tant que future génération de buveurs, via le recours à des imaginaires et des vecteurs populaires auprès de cette classe d’âge, tels que le sport. D’après une étude de janvier 2017, 30% des lycéens déclarent avoir été exposés aux publicités en faveur de l’alcool chaque jour au cours des douze derniers mois.

Protéger les adolescents et les jeunes adultes nécessite une extrême vigilance sur leur niveau d’exposition à la publicité qu’il ne faut en aucun cas voir augmenter. L’utilisation par les industriels de stratégies de contournement des règles applicables n’invalide pas le principe des interdits protecteurs ; au contraire, elle met en lumière l’urgence de faire appliquer strictement la loi pour permettre à la jeunesse de grandir dans un environnement protecteur. Elargir les possibilités de vente d’alcool dans les stades irait à l’encontre de cet objectif sociétal majeur.

Les fédérations sportives, par leur capacité de mobilisation et l’organisation de compétitions, ne doivent pas générer des incitations à des comportements à risque ; elles constituent au contraire un relai essentiel des campagnes de santé publique et notamment de la prévention des addictions (tabac, alcool, drogues…), en s’appuyant sur les valeurs du sport pour promouvoir des comportements favorables à la santé.

La perspective d’organisation d’évènements sportifs majeurs tels que la coupe du monde de Rugby ou les JO 2024 est ainsi l’occasion de porter des valeurs positives en termes de santé, de bien-être et d’intégration sociale. Les retombées sur l’ensemble du territoire d’ici à 2024 et même au-delà, notamment en matière de santé publique, seront aussi une des conditions de réussite de ces évènements internationaux majeurs.

Enfin, et c’est un enjeu crucial, il s’agit de prévenir les importants risques de trouble à l’ordre public potentiellement générés par ce type de manifestations et majorés en cas d’alcoolisation des supporters et du public.