L’Essentiel sur… les usages problématiques d’écrans

Fin 2020, la France comptait 92% de foyers connectés, 53 millions d’internautes mensuels (1) et 8 Français sur 10 qui se connectent chaque jour sur les réseaux sociaux et les messageries instantanées. Les usages se concentrent majoritairement sur le smartphone, facilitant la connexion en tout lieu et à tout moment de la journée. Ces nouvelles pratiques numériques modifient en permanence nos sociétés (modes de socialisation, loisirs, pratiques professionnelles, essor de nouveaux champs économiques, etc.). A tout âge, des risques peuvent être associés aux usages numériques excessifs.

Pour les enfants et les adolescents, le temps passé devant un écran peut empiéter sur des apprentissages essentiels à leur développement physique, psychique et social. Un usage excessif peut avoir des conséquences sur le développement du cerveau des enfants, leur apprentissage des compétences fondamentales et leur capacité d’attention(2) . Afin de protéger les enfants et leur bien-être, l’entourage doit être vigilant et s’assurer du bon usage des écrans.  

Concernant les adultes, la porosité entre l’usage personnel et professionnel des écrans, accentuée par le développement du télétravail, peut provoquer des impacts négatifs sur le bien-être et la santé mentale.  

Par ailleurs, quel que soit l’âge, la pratique des jeux vidéo peut devenir problématique lorsqu’elle est associée à une perte de contrôle et affecte les autres domaines de la vie du joueur.

Alors que l’usage des écrans a augmenté de manière sensible pendant la crise sanitaire liée au COVID-19, les pouvoirs publics restent très attentifs à leur potentiel effet sur la santé de la population.

Doter les usagers de repères et d’outils simples pour mieux maîtriser leurs pratiques numériques, informer les professionnels sur les ressources fiables pour les accompagner, développer la recherche pour mieux connaître les vulnérabilités, expérimenter des dispositifs innovants de prise en charge des usages problématiques constituent autant de priorités de l’action publique.

(1) : Médiamétrie / l'Année Internet 2020
(2) : https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/appel_090419.pdf

 

Chiffres-Clés

 

  • 17% des adolescents de 17 ans déclarent avoir joué à un jeu d’argent et de hasard sur Internet en 2017 (pourtant interdit aux mineurs).
  • L’usage des jeux vidéo est problématique pour 1 adolescent sur 8;
  • A 15 ans 5% des garçons et 11% des filles ont un usage problématique des réseaux sociaux.
  • 24% des Français consomment davantage de confiseries, sodas et snacks pendant leurs activités numériques.
  • Le téléphone au volant multiplie par 3 le risque d'accident et est santionné d'une amende forfaitaire de 135€ et le retrait de 3 points du permis de conduire.
  • 78% des cadres consultent leurs communications professionnelles pendant les vacances et les week-ends.

Sources : « Drogues et addictions, données essentielles », OFDT, 2019 ; Résultats de l’enquête internationale Health behaviour in school-aged children (HBSC) et EnCLASS France, OFDT, 2018 ; https://www.securite-routiere.gouv.fr/reglementation-liee-aux-risques/reglementation-du-telephone-au-volant ; Enquête IFOP 2017, les cadres et l’hyper-connexion (vague 2) ; Baromètre MILDECA/Harris Interactive 2021

 

FOCUS sur ... Captation de l’attention et circuit de la récompense : peut-on parler d’addiction aux écrans ?

Les « addictions comportementales » (sans produit) affectent les mêmes circuits cérébraux que les addictions à l’alcool, au tabac ou aux drogues. L’existence d’une addiction aux écrans fait régulièrement débat entre spécialistes. En 2018, l’OMS a reconnu le trouble lié aux jeux vidéo (gaming disorder) en l’intégrant à la classification internationale des maladies (CIM 11) en construction. Toutefois, au-delà des débats sémantiques, une reconnaissance scientifique s’établit autour de l’existence d’usages problématiques des écrans.

Outre la description des effets nocifs, il est possible d’approcher ce phénomène par les mécanismes en jeu. Des publications relatives à l’économie cérébrale de l’attention 3) mettent en évidence des mécanismes neurologiques complexes dans lesquels plusieurs systèmes de valorisation sont en compétition constante pour retenir l’attention. Des sites Internet ou des réseaux sociaux utilisent ces mécanismes pour attirer le regard ou l’écoute, avec des techniques adaptées aux écrans (flashes, pop-ups, montage accéléré, ...) à des fins commerciales.
 
Par ailleurs, une partie de l’attention est activée par la recherche du plaisir immédiat. Là aussi, ce mécanisme est entretenu par les éditeurs et publicitaires qui jouent sur le lien plaisir/récompense. A titre d’exemple, une étude américaine a montré que le fait de recevoir des likes sur Facebook libérait de la dopamine, hormone au cœur du circuit de la récompense et du processus addictif 4.

Les mécanismes de captation de l’attention, ainsi mis en évidence, ne sont pas nouveaux mais Internet a exacerbé leur rôle, du fait notamment, de la multiplicité des plateformes et des contenus. Leurs producteurs mobilisent les connaissances scientifiques sur le fonctionnement du cerveau afin de capter et retenir au maximum l’attention.

3 : Jean-Philippe LACHAUX, « L’économie cérébrale de l’attention » in L’économie de l’attention, 2014, pages 109 à 120.
4 : http://newsroom.ucla.edu/releases/how-the-brain-creates-buzz-247204

 

Les priorités de l’action gouvernementale

1. Encourager la recherche sur les risques liés à la pratique excessive des écrans

Mieux documenter le type d’usages ou de contenus susceptibles d’être problématiques, les effets sur les usagers (développement physique, psychique et social) ainsi que l’efficacité des différents types de régulation envisageables.

2. Mieux informer le grand public sur les bons usages des écrans

Diverses ressources, soutenues par les pouvoirs publics, sont disponibles, dont notamment :

  • La campagne d’information annuelle « Enfants et écrans » du CSA, relayée par toutes les chaînes de télévision, rappelant que les programmes télévisuels, quels qu’ils soient, ne sont pas adaptés aux enfants de - 3 ans.
  • La Caisse nationale d’Allocations Familiales a conçu, en partenariat avec le CLEMI (sous tutelle du ministère de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports), la série « La Famille Tout-Ecran ».
  • Le site jeprotegemonenfant.gouv.fr est une plateforme d’information à destination des parents pour lutter contre l’exposition des mineurs aux contenus pornographiques en ligne. Il a été mis en place par les pouvoirs publics, avec le concours d’associations et d’entreprises.
  • Le « Permis Internet pour les enfants », un programme national de prévention pour un usage d’Internet vigilant, sûr et responsable à l’attention des enfants de CM2 et de leurs parents.
  • Le kit « Educ’Ecrans » élaboré par la Fédération nationale des parents et des éducateurs.
  • Le site PédaGoJeux.fr, animé par un collectif constitué des parties prenantes du jeu vidéo : pouvoirs publics, acteurs économiques, médias, joueurs et leurs familles, acteurs de santé.
  • Des repères simples de bon usage des écrans sont également proposés aux parents par des experts, tels que la règle du 0-3-6-9-12 définie par Serge Tisseron.

3. Faciliter le repérage de signes d’alerte d’un usage problématique des écrans et l’orientation vers des structures d’aide et de conseil

Pour les plus jeunes, les structures de pédopsychiatrie, les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) et les maisons des adolescents (MDA) sont les plus adaptés pour rencontrer des professionnels de santé. Les jeunes et leurs familles peuvent y trouver une écoute, des informations, être accompagnés ou orientés en fonctions de leur demande.

Pour les plus âgés, il existe 540 Consultations jeunes consommateurs (CJC) réparties dans tous les départements ; leurs coordonnées sont accessibles sur drogues-info-service.fr.

Ces consultations accueillent des jeunes consommateurs ainsi que leur entourage. Toutes les conduites addictives peuvent y être abordées : alcool, cannabis, tabac, jeux d’argent et de hasard, jeux vidéo ou Internet…
Les jeunes peuvent s’y rendre seuls ou accompagnés de leurs parents ou d’un proche. Les parents peuvent également être reçus sans le jeune concerné.

11 recommandations pour les parents et les adultes en contact avec les enfants et les jeunes

1. Interdire l’usage seul des écrans avant 3 ans lorsque les conditions d’une interaction parentale ne sont pas réunies.

2. Déconseiller quel que soit l’âge de l’enfant et de l’adolescent, la présence d’écran(s) dans la chambre.

3. Interdire les écrans 3D pour les enfants âgés de moins de 5 ans.

4. Favoriser le sommeil en éteignant les écrans au moins 1h avant l’endormissement.

5. A partir de 6 ans, fixer ensemble une limite de temps d’écran autorisé.

6. Respecter les âges autorisant le visionnage de films ou l’utilisation de jeux vidéo (âge minimum noté sur les produits).

7. Accompagner les enfants dans le choix des programmes et jeux vidéo.

8. Faire un planning d’utilisation des médias (temps, lieux, rythmes) afin de consacrer du temps aux autres activités, dont, si possible, 2 heures d’activités quotidiennes en extérieur.

9. Rappeler aux parents et aux encadrants qu’ils ne doivent pas être accaparés par les écrans en présence des enfants : les adultes doivent montrer l’exemple et être disponibles.

10. Être capable de repérer les signes d’alerte d’un usage problématique des écrans : somnolence, isolement, baisse des performances scolaires, repas isolé, troubles anxieux, violence et agressivité ; et rester attentif à la survenue de troubles tels que fatigue visuelle, maux de tête.

11. Demander de l’aide si on se sent dépassé : NetEcoute.fr ou e-enfance.org au 3018, le numéro vert national destiné aux enfants et adolescents victimes de violences numériques (cyber-harcèlement).

Les recommandations s’appuient sur les données scientifiques mais également lorsque ces dernières font défaut sur le principe de précaution.

Source : « Avis relatif aux effets de l’exposition des enfants et des jeunes aux écrans », Haut Conseil de la santé publique, 12 décembre 2019

Le cadre de régulation des jeux d'argent et de hasard en ligne

La loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne encadre l'offre de jeux en ligne en matière de paris hippiques, partis sportifs et jeux de cercle (poker)…
A l’occasion de la privatisation de la Française des Jeux (FDJ) en 2019, un nouveau dispositif renforcé de régulation de l’ensemble du secteur des jeux d’argent et de hasard a été mis en place par l’ordonnance n°2019-1015 du 2 octobre 2019.
Les opérateurs de jeux d’argent et de hasard en ligne doivent répondre à des obligations plus fortes relatives à l’interdiction du jeu des mineurs, la prévention du jeu excessif ou pathologique et l’encadrement de leurs stratégies commerciales et promotionnelles.

En 2020, on comptait 4,9 millions de comptes joueurs actifs en France (source ANJ)

Une nouvelle autorité administrative indépendante, l’autorité nationale des jeux (ANJ) dispose de pouvoirs d’injonction et de sanction et peut notamment exiger le retrait de toute communication commerciale comportant une incitation excessive au jeu.

 

Idées reçues

1.    « Les écrans rendent autiste ! »
FAUX.
La communauté scientifique a établi que l’origine des troubles du spectre de l'autisme (TSA) était multifactorielle et largement génétique . En revanche, un usage excessif d’écrans, en particulier durant la petite enfance, peut entraver le développement des capacités psychomotrices et freiner le développement du langage par l’absence d’interaction sociale.

2.    « Il n’existe aucun moyen de s’autoréguler face aux écrans »
FAUX.
De nombreuses applications permettent d’évaluer le temps passé sur les réseaux sociaux et sur Internet. Les plateformes développent elles aussi des outils pour mesurer sa consommation. Des logiciels de contrôle parental permettent de limiter le temps d’écran des plus jeunes. Sans s’appuyer sur un dispositif externe, un travail individuel et/ou familial de prise de conscience de la pratique et d’éventuels excès peut aussi être très pertinent.

3.    « Les usages problématiques des écrans sont spécifiques aux enfants »
FAUX. Les usages d’écrans par des adultes sont aussi susceptibles d’être problématiques, dès lors qu’ils se font au détriment d’autres activités sociales essentielles ou se caractérisent par une perte de contrôle. Au sein de la population active, le phénomène de « blurring » désigne une porosité, un flou, entre le temps de travail et le temps personnel, qui peut dégrader la qualité de vie et occasionner des dommages sur la santé mentale des salariés.

4.    « On ne peut être addict qu’à une substance »
FAUX. L’addiction, au sens médical du terme, peut aussi être le résultat d’une interaction entre un individu et des objets externes, tels que les jeux. Ces addictions touchent les mêmes systèmes cérébraux que les addictions aux produits (alcool, tabac, drogues) et se caractérisent par le même type de troubles, en particulier une perte de contrôle, l'augmentation de la priorité accordée à cette conduite et sa poursuite malgré l'apparition de conséquences négatives.
Ainsi, on constate que chez une faible proportion d’usagers, notamment de jeu vidéo ou de jeux d’argent en ligne, la perte de contrôle du temps passé à jouer est manifeste et occasionne des conséquences parfois importantes sur la vie quotidienne.